Depuis l’installation du Sénat congolais en 2007, ce dernier s’était révélé comme un haut lieu de sagesse. Plusieurs fois, le Sénat avait fait preuve de maturité politique, contrairement à l’Assemblée nationale. Celle-ci considérée, à juste titre, comme une caisse de résonance de la majorité présidentielle.
Ce travail de haute facture avait donc renforcé la confiance du peuple envers cette institution de la République.
Fort malheureusement, l’actuel Sénat fait figure de scandale, clientélisme, abus d’autorité, etc.
Pourtant, le Bureau du Sénat s’était donné la mission de redorer l’image terni lors des élections sénatoriales. Ainsi que la petite guéguerre lors de l’élection du Bureau.
Dirigé aujourd’hui par Tambwe Mwamba, réputé pour son comportement asocial, le Sénat ne fait que sombrer. Et les récents événements prouvent à suffisance cet état de choses.
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La pomme de discorde: le contrôle de l’action du Bureau du sénat
Tout est parti de la lettre déposée au Bureau par la sénatrice Bijou Goya Kitenge le 28 avril 2020. Dans cette lettre l’élue de la province du Haut Katanga demandait des éclaircissements sur les travaux de réhabilitation et de modernisation de la salle de plénière du sénat.
Le 30 avril 2020, du haut de son perchoir, le président du Sénat a agi de la manière qu’il sait bien le faire. Imbu de sa personne, Tambwe Mwamba s’est virilement attaqué à la sénatrice. Allant jusqu’à alléguer des faits qui n’avaient rien avoir avec les contenus de la République.
Sans vergogne ni considération, il se permettra de qualifier la sénatrice de « moralité douteuse », sous prétexte que cela aurait été dit au FCC. Et d’ajouter que Bijou Goya lui aurait fait des avances.
Pourtant, en droit parlementaire congolais, le sénateur dispose de plusieurs moyens pour faire le contrôle parlementaire. Il peut s’agir d’une question orale ou écrite avec ou sans débat; ou encoure d’une question d’actualité, etc.
Ces moyens sont contenus dans l’article 138 de la constitution et 154-193 du Règlement intérieur du Sénat.
Outre le contrôle du gouvernement, des établissements publics, des entreprises publiques et des services publics, le sénateur peut également contrôler l’action du Bureau du sénat.
En effet, tout Sénateur peut par une lettre adressée au Président du Sénat , demander au bureau des éclaircissements sur un volet bien précis de sa gestion à tout moment de la session. C’est ce qui ressort de la lecture de l’article 195 du Règlement intérieur du Sénat.
Constatant l’opacité dans la passation du marché public, la sénatrice Goya Kitenge était dans son droit en adressant une lettre au Bureau du Sénat.
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L’obligation pour Tambwe Mwamba de répondre à la lettre de Bijou Goya
L’alinéa 2 de l’article 195 du Règlement intérieur du Sénat accorde un délai de 7 jours au Président du Sénat de répondre à la lettre de Bijou Goya devant la plénière.
Si dans ce délai de 7 jours, Tambwe Mwamba ne fournit pas des éclaircissements à la sénatrice, l’Assemblée plénière peut constituer une commission d’enquête chargée de lui faire un rapport circonstancié sur la passation de ce marché public. Il en est de même lorsque les explications de Tambwe Mwamba n’auraient pas rencontrer l’attente de la sénatrice.
La lettre de Bijou Goya date du 28 avril 2020, les 7 jours arrivent le 7 mai 2020.
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Violation du Règlement intérieur et atteinte à la dignité de Bijou Goya par Tambwe Mwamba
Dans l’exercice de ses fonctions, le membre du Sénat a l’obligation de sauvegarder à tout instant, l’honneur et la dignité de ses fonctions et l’image de marque du Sénat (article 232 du règlement intérieur du sénat).
Il est donc tenu au respect des lois de la République, entre autre le règlement du sénat et le code de conduite de l’agent public de l’État.
Ce code de conduite à son article 9 point 1 et 2 oblige à l’agent public de :
- Se comporter tant dans sa vie publique que privée de manière à préserver et à renforcer la confiance du public envers l’Etat et à améliorer son image de marque ;
- S’abstenir de tout acte d’improbité et d’immoralité susceptible de compromettre l’honneur et la dignité de ses fonctions.
C’est ainsi donc qu’il est strictement interdit à un sénateur d’imputer méchamment et publiquement à une personne un fait précis qui est de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération et à l’exposer au mépris du public, de faire des attaques personnelles, etc. (article 92 du règlement intérieur du Sénat).
Tous les sénateurs (sans distinction de fonctions occupées) se doivent mutuellement respect, courtoisie et solidarité (article 232 alinéa 3).
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Quelles sont les conséquences juridiques du comportement de Tambwe Mwamba
Un Président du Sénat, est un coadjuteur du Président de la République. Il peut le remplacer en cas d’empêchement définitif (article 75 de la constitution).
A ce titre, il doit faire preuve de maturité et d’exemplarité en matière de gestion. Et doit faire preuve de probité morale et d’intégrité.
Alors qu’il était appelé à éclairer les sénateurs sur les travaux de réhabilitation, Tambwe Mwamba a malheureusement confondu le lieu. S’adonnant ainsi à des imputations dommageables et attaques personnelles.
Ces actes strictement interdit par l’article 92 du règlement intérieur du Sénat portent atteinte à l’honneur et dignité de ses fonctions.
Premièrement sanction possible : la sanction disciplinaire
L’article 23 du règlement intérieur du Sénat, donne pouvoir à l’Assemblée plénière de destituer un membre du Bureau du Sénat par procédure contradictoire en cas de faute lourde.
Et lorsque le Président du Bureau du Sénat est mis en cause, c’est le membre du Sénat le plus séant qui convoque l’Assemblée plénière (article 28 du règlement intérieur).
Deuxième sanction possible: la démission imposée
Dépassé le délai de 7 jours (le 7 mai 2020) si Tambwe Mwamba n’organise pas l’Assemblée plénière pour éclairer les sénateurs sur la passation de marché public, l’Assemblée plénière peut constituer une commission d’enquête. Celle-ci sera dirigée par un regroupement politique non représenté au bureau du Sénat ( AFDC-A Bahati, Lamuka).
Cette commission sera chargée de faire un rapport circonstancié sur la passation de ce marché public.
A l’issue de ce rapport, l’Assemblée plénière peut demander à Tambwe Mwamba de déposer sa démission en cas de détournement de deniers publics. C’est ce qui ressort de l’article 196 du règlement intérieur du sénat.
Signalons, par ailleurs, que Bijou Goya, victime d’imputations dommageables, peut déposer une plainte au parquet général près la cour de cassation. Ce qui semble avoir été fait par le biais de son conseil, l’Avocate Joseline Lombela.
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Merphy Pongo
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Avocat et consultant en Droit constitutionnel