RDC: le Congrès peut-il destituer le président Felix Tshisekedi?

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Assemblée nationale

Il est loisible de noter que, la protection de la fonction présidentielle en cours de mandat semble être érigée en règle d’or. L’importance des attributions du Président de la République ajoutée au principe de la séparation supposée rigide des pouvoirs en régime présidentiel et apparenté ne rime, en effet, pas avec la déstabilisation du mandat du chef de l’Etat en exercice surtout dans un pays comme la RDC où l’instabilité politique et crise de légitimité des institutions ainsi que de leurs animateurs font bon ménage.

La fonction du Président de la République est imminente (d’ailleurs Président de la République constitue toute une institution) et prestigieuse pour la nation. Elle mérite protection afin qu’autant que possible, elle s’exerce sans entrave.

Nulle part, ou presque, en Afrique le Président de la République est un justiciable comme tous les autres. Il détient au moins un mandat de représentation nationale, garantit la continuité de l’Etat (Article 69 de la constitution).

De ce fait, la fonction présidentielle doit être protégée contre les intempéries qui pourraient abusivement l’atteindre ou l’affaiblir, car elle place celui qui l’exerce dans une posture unique.

En Droit parlementaire congolais, on parle du congrès lorsque l’Assemblée nationale et le sénat se réunissent. Ce, conformément à l’article 119 de la constitution et 3 du règlement intérieur du congrès de 2019.

Le Congrès est convoqué pour :

  • La procédure de révision constitutionnelle,
  • L’autorisation de la mise en accusation du Président de la République et du premier ministre,
  • L’audition du discours du Président de la République sur l’État de la nation etc…

Toute fois, c’est la cour constitutionnelle qui est le juge pénal du Président de la République conformément aux articles 164 de la constitution et 72 de la loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle. Et toute procédure de mise en accusation doit partir de la cour constitutionnelle.

Par ailleurs, le Président de la République ne peut faire l’objet des poursuites que pour avoir commis trois infractions politiques de :

  1. Infraction de Haute trahison,
  2. Infraction d’atteinte à l’honneur et bonnes moeurs,
  3. Infraction de délit d’initié.

Afin de permettre à la cour constitutionnelle de bien juger le Président de la République lorsqu’il est reconnu coupable de ces trois infractions, il a été institué un parquet général près la cour constitutionnelle ( article 12 de la loi organique de 2013 sur la cour constitutionnelle).

Ce parquet général est chapeauté par un Procureur général nommé par le Président de la République parmi les magistrats de carrière.

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Procureur général près la cour constitutionnelle

Seul compétent pour ouvrir une enquête contre le Président de la République. L’article 100 de la loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle, donne pouvoir à seul le Procureur général près la cour constitutionnelle de recevoir les plaintes et dénonciations relatives aux infractions commises par le Président de la République et aussi il peut inviter toute personne dont il juge l’audition nécessaire pour éclairer sa religion.

Il recherche les infractions politiques commises par le président, rassemble les éléments des preuves et poursuit le Président de la République ainsi que ses co-auteurs ou complices.

Lorsqu’un officier de police judiciaire ou autre procureur général est saisi d’une dénonciation ou plainte relative aux infractions politiques commises par le Président de la République, ils s’abstiennent de poser tout acte d’instruction et transmettent immédiatement les dossiers chez le procureur général près la cour constitutionnelle.

Seul le Procureur général peut se saisir d’office lorsque le Président de la République a commis des infractions.

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De la procédure de mise en accusation du Président de la République

A. De la Requête aux fins d’autorisation des poursuites judiciaires contre le Président de la République :

Après avoir reçu, les plaintes ou les dénonciations ou lorsqu’il s’est saisi d’office d’une infraction commise par le Président de la République, le Procureur général près la cour constitutionnelle s’il estime opportun (principe d’opportunité des poursuites : Qui veut dire que même si le Président a commis l’infraction, le Procureur général près la peut ou ne pas décider d’ouvrir des poursuites judiciaires contre le Président de la République) de poursuivre le Président de la République, il saisit le Président de l’Assemblée nationale et le Président du sénat par une requête d’autorisation des poursuites judiciaires contre le Président de la République conformément à l’article 101 de la loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle et 38 du règlement intérieur du congrès de 2019.

En ce moment là, le congrès, toute affaire cessante se réunit conformément à l’article 3 de son règlement intérieur pour délibérer sur l’autorisation à accorder au Procureur général près la cour constitutionnelle.

La décision de l’autorisation des poursuites judiciaires est votée à la majorité de deux tiers des membres du parlement composant le congrès (Article 166 de la constitution).

Apres ce vote , seul le Procureur général près la cour constitutionnelle est habilité à mener l’instruction pré-juridictionnelle pour l’infraction commise par le Président de la République. Ce, conformément à l’article 102 de la loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle.

B. Requete aux fins de mise en accusation du President de la Republique:

Le Procureur général près la cour constitutionnelle après avoir mené des enquêtes et lorsqu’il est convaincu des éléments à sa disposition, il fait rapport de son enquête au Président de l’assemblée et Président du Sénat. Ceux-ci convoquent immédiatement le congrès pour voter la décision de la mise en accusation du Président de la République.

Notons que lorsque le procureur de la République près la cour constitutionnelle envoie son rapport d’enquête, fait accompagner ce dernier avec la requête aux fins de mise en accusation du Président de la République.

La mise en accusation est votée à la majorité de deux tiers des membres du parlement composant le congres.

C. Requête aux fins de fixation de la date d’audience

Apres avoir obtenu l’autorisation de mettre en accusation le Président de la République, le Procureur général près la cour constitutionnelle peut alors saisir la cour constitutionnelle pour juger le Président de la République.

N.B: Pendant toute cette période, le Président de la République demeure toujours en fonction et peut continuer à diriger le pays jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable par la cour constitutionnelle.

Au regard de tous ces éléments de droit, il est donc clairement établi qu’en droit congolais seul le Procureur général près la cour constitutionnelle détient l’exclusivité de l’initiative de mettre en accusation le Président de la République. Il peut se saisir d’office ou être saisi par plainte ou dénonciation.

Seul le Procureur général près la cour constitutionnelle est compétent pour entendre le Président de la République. Il peut inviter toute personne dont il juge l’audition nécessaire.

Seul le Procureur près la cour constitutionnelle peut juger discrétionnairement de l’opportunité ou pas de saisir le congrès pour obtenir l’autorisation d’ouvrir des poursuites judiciaires contre le Président de la République.

Seul le Procureur général près la cour constitutionnelle peut après enquêtes, juger de l’opportunité ou pas de saisir le congrès pour la deuxième fois afin d’obtenir l’autorisation de mettre en accusation le Président de la République.

Et enfin, seul le Procureur général près la cour constitutionnelle peut, après avoir obtenu l’autorisation de mettre en accusation le Président de la République, juger de l’opportunité ou pas de transférer le Président de la République et son dossier devant la cour constitutionnelle pour y être jugé.

L’actuel Procureur général près la cour constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo, récemment nommé par Felix Tshisekedi, n’a pas encore prêté serment devant celui-ci et présenté au parlement réuni en congres.

En matière de mise en accusation du Président de la République, l’intervention du congrès se limite en amont avec le vote de l’autorisation des poursuites judiciaires et en aval avec l’autorisation de la mise en accusation du Président de la République.

Le congrès ne peut pas siéger pour statuer sur une quelconque mise en accusation sans être préalablement saisi par le Procureur général près la cour constitutionnelle.

Le congrès n’est pas le procureur général pour entendre le Président de la République et ne peut donc poser aucun acte d’instruction au risque d’empiéter sur les compétences du Procureur général près la cour constitutionnelle.

C’est d’ailleurs ce que la cour suprême de justice toutes sections réunies dans son arrêt R. CONST 061/TSR du 30 novembre 2007 avait dit, en déclarant inconstitutionnels, les articles 38, 40, 42 et 43 du règlement intérieur du congrès de 2007 relatifs à la procédure de mise en accusation du Président de la République. Ces articles institués une commission pour entendre le Président de la République.

Malheureusement les articles 39 et 40 de l’actuel règlement intérieur du congrès (2019), reprennent textuellement les énoncés des articles 39, 40, 42 et 43 du congres de 2007 déjà déclarés inconstitutionnels.

En droit constitutionnel, on dira donc que les articles 39 et 40 de l’actuel règlement intérieur du congrès instituant une commission pour entendre le Président de la République sont réputés inexistants car contraire à l’esprit et à la lettre de la constitution et de la loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle en ce qui est de la procédure de mise en accusation du Président de la République.

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Maître Merphy Pongo
Avocat et Consultant en Droit Constitutionnel
Whatssap:+243815762731

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