Détention provisoire de Kamerhe: entre duel politique et prononcé du droit

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Il est loisible de noter que dans un État de droit les dirigeants sont soumis au droit comme tout citoyen lambda. Il s’agit-là de la prééminence des règles de droit de forme et de fond sur les caprices des individus.

C’est depuis la nuit du 08 avril que le puissant Dircab est passé de simple renseignant à l’inculpé. Et se retrouve dans le régime restrictif de liberté, qui est le mandat d’arrêt provisoire.

Du côté de son parti politique on voit là une instrumentation de la justice afin d’écarter le « pacificateur » de la course en 2023. Dans le but d’éviter à Félix Tshisekedi un dangereux et difficile duel fratricide à la prochaine présidentielle.

Point de vue non partagé par beaucoup d’observateurs tant sur le plan national qu’international. Pour eux, Vital Kamerhe serait plutôt victime de son omniprésence et de sa turpitude.

« A force de vouloir trop apparaître comme vice président de la République, Vital Kamerhe finira par disparaître« , nous confie une source à la présidence.

Et d’ajouter:

« Il a été à la base du programme de 100 jours. En janvier 2019, il a initié la note circulaire qui exigeait le gel de toutes dépenses publiques, en entendant l’installation du gouvernement. Toutes dépenses publiques devaient nécessairement passer par lui. C’était lui le distributeur automatique des marchés publics relatifs aux travaux de 100 jours. Des marchés qu’il octroyait par la procédure de gré à gré en violation flagrante des exigences de la loi de 2010 sur la passation des marchés publics (Articles 42 et 43). C’était lui le superviseur de ce programme de 100 jours et à deux reprise a faillit pousser le Président de la république à inaugurer des sauts de moutons inachevés« .

C’est donc à cause de cette omniprésence dans les travaux de 100 jours qui n’avaient rien avoir avec les missions habituelles d’un Directeur de cabinet ( Coordination des activités du Président et gestion des services administratifs de la Présidence) que le Procureur général près la cour d’appel de Kinshasa/Matete, conformément à l’article 16 du code de procédure pénale, l’avait invité comme renseignant enfin de fournir les informations relatives à ces travaux de 100 jours.

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Du Renseignant à l’inculpé : il n’y a pas de frontière

Il existait des soupçons de détournement des fonds alloués au Programme de 100 jours. Des soupçons ou mieux encore suspicions à charge du Directeur de cabinet du Président de la République.

Ainsi dans le cadre de ses missions de rechercher les infractions, rassembler les éléments de preuves et poursuivre les auteurs et se fondant sur les éléments de ses enquêtes et des informations à sa possession, le magistrat instructeur a estimé que l’audition de ce dernier était nécessaire.

Près de 7 heures d’audition non sans convaincre, Vital Kamerhe est passé d’un simple renseignant à un inculpé.

Une seule hypothèse peut justifier le transfert du renseignement vers l’inculpation. Le magistrat instructeur disposait déjà des informations suffisantes et voulait s’assurer que Kamerhe était impliqué.

Il est donc probable que lors de son audition, VK n’a pas voulu collaborer avec la justice. En d’autres termes, il aurait rejeté en bloc son implication dans le détournement.

Cette attitude aurait donc poussé le magistrat instructeur à l’inculpé au vu des éléments d’enquête qu’il dispose (interrogatoire du DG de Safricas, Rawbank et Office des routes…).

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De l’inculpé au Mandat d’arrêt provisoire ( M.A.P)

En Droit, la liberté est le principe et la détention est l’exception. Ainsi pour des raisons d’enquête, toute personne inculpée peut se voir priver de liberté individuelle.

Et conformément aux articles 27 et 28 du code de procédure pénale, le magistrat instructeur ne peut mettre quelqu’un sous mandat d’arrêt provisoire que :

  • Lorsqu’il y’a des indices sérieux de culpabilité,
  • Lorsque sa fuite est à craindre ;
  • Lorsqu’il a une résidence inconnue ;
  • Ou encore, pour raisons de sécurité publique.

Notons que ces conditions ne pas cumulatives et tout est laissé à l’appréciation du magistrat instructeur. Il décide après interrogatoire et ce, en fonction des preuves en sa possession.

Et de cet instant, il pèse alors sur la personne mise sous mandat d’arrêt provisoire une présomption de culpabilité.

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Combien de temps Kamerhe peut-il rester en détention ?

Le mandat d’arrêt provisoire a une durée de 5 jours. Après les 5 jours, le magistrat instructeur va présenter l’inculpé devant la chambre de conseil (Article 30 du code de procédure pénale) pour la régulation de la détention.

Après cela, la chambre de conseil rend son ordonnance de détention préventive dans les heures qui suivent.

La détention préventive dure 15 jours. Ces 15 jours peuvent être augmentés d’un mois et, d’un mois à plusieurs mois selon les besoins d’enquête.

De la même manière pendant les 5 jours de mandat d’arrêt provisoire, Vital Kamerhe à travers ses avocats conseils peut introduire une demande de mise en liberté provisoire. Cette demande sera étudiée par le magistrat instructeur.

Si la demande est rejetée, il pourra à nouveau introduire sa demande en chambre de conseil. Celle-ci va l’examiner et se prononcera dans les heures qui suivent.

Au regard de tous ces éléments, nous pouvons conclure qu’il est vrai que le droit n’est pas la politique. Mais il y contribue.

D’autre part, la politique sans le droit c’est de la tyrannie. Et le droit sans la politique devient une simple lettre philosophique.

L’arrestation de Vital Kamerhe est donc une nouvelle donne qui peut donner contenus et réalités à l’État de droit.

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Me Merphy PONGO
Avocat à la cour
WhatsApp :+243815762731

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