Réhabilitation d’Atou Matubuana: dura lex, sed lex!

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Point n’est besoin de rappeler que la province du Kongo central a été sensiblement et moralement touchée par l’affaire du sextape de son Vice-gouverneur, Justin Luemba. Plusieurs voix se sont levées pour exiger le départ du Vice-gouverneur et de son titulaire, qu’on a accusé d’être l’instigateur.

Afin de permettre à la justice de bien faire son travail le Vice-premier ministre et ministre de l’intérieur Gilbert Kankonde avait pris une mesure conservatoire pour raisons d’enquêtes. Les deux autorités provinciales avaient été suspendues.

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Le parquet contraint par les immunités de poursuite

Le Parquet près la cour de cassation, informé de cette affaire s’est donc saisi de ce dossier judiciaire. Le Procureur général, maître de l’action publique a été contraint par les immunités de poursuite.

En effet, l’article 87 de la loi sur la cour de cassation est très clair là-dessus:

« Sans préjudice de la procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, les Gouverneurs, les Vice-Gouverneurs  des  provinces  et les Ministres provinciaux ne peuvent être poursuivis et mis en accusation que par l’Assemblée Provinciale, statuant au scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la composent. Les dispositions des articles 80, alinéa 2, à 84 s’appliquent mutatis mutandis aux Gouverneurs et Vice-Gouverneurs ».

Il ressort de cette disposition que le Gouverneur ou le Vice-gouverneur bénéficie de l’immunité de poursuite. Sa mise en accusation est subordonnée à l’autorisation de l’assemblée provinciale qui statue par un scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la compose.

Toutefois, cette procédure n’est pas appliquée lorsqu’il s’agit d’une infraction intentionnelle flagrante. Dans cette hypothèse, ce sont les règles sur la procédure de flagrance qui s’appliquent.

C’est ainsi que le Procureur général pres la cour de cassation avait saisi l’Assemblée provinciale pour solliciter le vote de la mise en accusation du Gouverneur Atou Matubuana.

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Les députés Nékongo opposés à la mise en accusation

Lors de sa plénière, l’Assemblée provinciale du Kongo central a voté contre la mis en accusation du Gouverneur.

Ce vote a donc constitué un obstacle à l’action publique du parquet général près la cour de cassation. C’est à dire l’Assemblée provinciale avait donc interdit au procureur général près la cour de cassation de poursuivre le Gouverneur.

Sur le plan juridique, le dossier était classé sans suite. La sanction juridique ayant échoué, il ne restait que la sanction politique.

Selon les articles 146-147 de la constitution, le Gouverneur ne peut être destituer qu’à la suite d’une motion de censure votée par l’Assemblée provinciale.

Malheureusement, le Gouverneur bénéficiant de la confiance de l’Assemblée provinciale, ce mécanisme politique n’a pas été déclenché à son encontre.

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Quel est alors le sort de la decision de suspension du Gouverneur ?

En Droit administratif, la suspension est une mesure conservatoire qui peut être levée à tout moment. Cette mesure est souvent prise pour des raisons d’enquêtes.

Ainsi donc, en suspendant le Gouverneur et le vice gouverneur, Gilbet Kakonde s’attendait à ce que le parquet mène ses enquêtes librement jusqu’à la poursuite du Gouverneur.

Mais la loi impose à ce que leur poursuite soit soumise à l’autorisation de la mise en accusation par l’Assemblée provinciale.

Etant donné que l’Assemblée provinciale a voté contre la mise en accusation du gouverneur, la décision de suspension devenait alors lettre morte.

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Aucune intention de défiance, force est à la loi

Le FCC, famille politique du gouverneur, s’est insurgé contre cette réhabilitation. Ayant retiré sa confiance à Atou Matubuana, le FCC avait exigé sa démission.

Notons que juridiquement cette réhabilitation est fondée. La suspension était une mesure conservatoire subordonnée aux poursuites contre le gouverneur. Ces poursuites ayant été rejetées, la suspension n’avait plus sa raison d’être.

Au FCC, qui est majoritaire à l’Assemblée provinciale du Kongo central, d’initier une motion de censure contre le gouverneur.

Au Nekongo, qui estime que cette réhabilitation est contre leurs mœurs, d’initier une pétition citoyenne. Ce, conformément à l’article 27 de la constitution pour exiger la démission personnelle du gouverneur ( celle-ci dépend de sa bonne foi).

Au cas contraire, tous devront se soumettre à la rigueur de la loi.

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Merphy Pongo

Avocat et chercheur en Droit constitutionnel
Whatssap: +243815762731

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