Mines: les creuseurs artisanaux, les laissés pour compte du code minier

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La traçabilité des minerais de la RDC a été au centre du 13e Forum sur la chaîne d’approvisionnement responsable en minéraux, organisé par l’OCDE à Paris.

Ainsi, au regard de la problématique de la traçabilité et de la gestion des mines dans notre pays, il a été question de la prise en compte des creuseurs.

Ces derniers constituent les laissés pour compte des grands enjeux stratégiques des mines en RDC.

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Des hommes sans terre ni droit

Ces creuseurs vivent dans des conditions indescriptibles au point qu’ils sont surnommés:  » des gens sans terre ni droit. »

Voici comment Guylain Balume, blogueur à Goma, a décrit la condition des vies de ces travailleurs marginalisés.

Il s’est rendu au mois de décembre à Bisié à la rencontre des mineurs artisanaux.

« En partant de Walikalé, que j’ai dû rejoindre par avion en partant de Goma, j’ai dû faire 4 heures de voiture, puis une marche en forêt pour traverser des rivières et une épaisse forêt avec de nombreux animaux sauvages. Le trajet est très dangereux, et pourtant, des gens font cela toutes les semaines pour atteindre les mines [selon les estimations, près de 70 % des creuseurs sur le site de Bisié seraient des personnes venues d’autres régions, NDLR]. »

Il ajoute:

« Lorsque j’ai pu atteindre les mines, j’ai ressenti de la compassion pour ceux qui y travaillent.
Ils prennent d’énormes risques en entrant dans des puits très profonds, avec un danger d’éboulement très important. Ils ne ramassent qu’une dizaine de kilogrammes par jour dans le meilleur des cas [vendu à environ 2 dollars le kilo, alors que le salaire moyen en RDC est de 1 à 3 dollars par jour (environ 0,70 à 2 euros
), NDLR]. »

Rappelons que la situation décrite n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

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Appel aux creuseurs à créer des coopératives

Face à ces conditions de vie difficiles, les acteurs de la société civile ont souligné l’importance de ne pas oublier les grandes entreprises dans les efforts de traçabilité.

Et ces efforts portent aujourd’hui surtout sur les creuseurs artisanaux.
Des creuseurs artisanaux qui ont besoin, ont-ils plaidé, d’être formés et assistés dans leurs démarches.

Le nouveau code minier ne reconnaît pas les creuseurs artisanaux mais uniquement les coopératives.

Cette disposition est perçue comme une avancée mais pas suffisante pour juger le problème qui lui est plus complexe.

C’est pourquoi, pour le président de la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (Licoco), Ernest Mpararo:

« les services de l’Etat doivent aider les creuseurs, le plus souvent démunis, à créer de véritables coopératives.

« Ce sont eux qui doivent travailler pour que les artisanaux miniers se regroupent, car aujourd’hui les artisanaux disent que les acheteurs viennent et achètent leur minerai à vil prix parce qu’ils travaillent en désordre. Mais lorsqu’ils sont en coopérative, les coopératives doivent négocier un bon prix pour eux et pour celui qui achète« , a-t-il souligne auprès de nos confrères de RFI.

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La bataille de prix entre croiseurs et acheteurs

Le plus combat que doit donc mener les creuseurs est la bataille des prix avec les acheteurs.

Il s’agit pour l’ONG Investissements durables au Katanga (IDAK), « la clé d’un développement durable et la meilleure manière de lutter contre le travail dégradant des femmes et des enfants. »

Pour ce l’ONG préconise une réglementation de la vente des minéraux par les artisanaux.

« Si, aujourd’hui, on réglemente un tout petit peu au niveau des ventes des minerais provenant des artisanaux, cela aura un impact immédiatement sur leur vie, sur leur ménage et ils ne vont peut-être plus accepter que leurs enfants ne puissent pas étudier et que leurs femmes ne puissent pas les suivre. Cela aura un impact« , a expliqué Fortunat Kandé, vice-président de l’IDAK.

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Les problèmes structurels demeurent

Il apparaît clairement que malgré les efforts entrepris par le Gouvernement et ses partenaires, plusieurs problèmes structurels demeurent.

C’est le contenu du rapport publié par L’Institut de recherche IPIS.

Le dit rapport a évalué l’impact des initiatives d’approvisionnement responsables dans l’est de la RDC.

Il apparait selon ce rapport que « malgré les efforts et une amélioration de la sécurité dans certaines provinces, les problèmes structurels de ce secteur demeurent aujourd’hui globalement inchangés ».

Ce qui est malheureux quand on sait que près de 1000.000 des personnes travaillent dans ce secteur et couvrent près de 90% du territoire national.

À eux seuls, ils fournissent près de 27% de la production minière du pays.

Ironie du sort: ils sont aussi la classe la moins favorisée et la plus pauvre du pays.

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Thierry Bishop Mfundu

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