Alain Daniel Shekomba : « techniquement, la tricherie informatique est imparable »

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Alain Daniel Shekomba

A l’aube de la tenue des scrutins du 23 décembre 2018, le déroulement du processus électoral demeure l’actualité en RDC. Chaque état-major bouillonne et affûte ses armes pour mieux affronter ce rendez-vous avec le peuple, détenteur du vrai pouvoir.

Un rendez-vous qui de plus en plus, paraît impensable sans la « machine à voter ». Ce dispositif technique introduit par la CENI afin de pallier à la contrainte du temps, notamment. Mais qui depuis, est devenu une entorse à des élections transparentes car jugée peu crédible par certains acteurs au processus.

Pour mieux cerner le reproche fait à cette machine, capsud.net est allé à la rencontre de Alain Daniel Shekomba. Ce dernier est candidat Président de la République mais aussi, et surtout spécialiste dans le développement des solutions informatiques. Son diagnostic sur la machine, après sa réunion avec la CENI, va au-delà du cadre politique et introduit un vrai débat d’idées.

 

Difficile de ne pas parler de la tricherie

Pour Alain Daniel Shekomba, le risque de tricherie est probant avec cette machine, car sa configuration est anormale.  La CENI se refuserait de charger toutes les données dans la machine afin la faire travailler de façon autonome. Elle prévoit, des ports USB et SD ainsi qu’un logiciel spécifique par machine et par bureau de vote.

Une façon de procéder qui paraît illogique et interpellant aux yeux de ce développeur des solutions informatiques. Surtout que la CENI s’est montrée peut convaincante en ce qui concerne la connectivité de cette machine. Ce qui prouve que même les recommandations faites à la CENI par les britanniques n’ont pas été pris en compte.

Il y a aussi le fait que la CENI ait refusé de mettre à leur disposition les documents techniques. Dans ces documents, il était possible de connaître le cahier de charge, les codes sources et l’ordinogramme de la machine. Et sans ces documents techniques, il est difficile de savoir qu’il n’y a pas possibilité de tricheries.

 

Risque de modification de données

Sans codes sources, il est difficile de vérifier qu’on ne peut introduire un programme d’auto-impression ou d’auto-modification des données. Ces machines disposent des lecteurs des disques externes et ont accès à un serveur à distance. Le risque des modifications de données est permanent et difficile à contrôler.

« A n’importe quel moment, la CENI peut lancer une commande ou lancer une application modifiant le fonctionnement de la machine.  Alors quand tu votes pour un candidat en appuyant sur sa photo, la machine peut considérer que c’est un autre. Elle va sortir sa photo en lieu et place de celui que tu as choisi », s’inquiète A.D. Shekomba.

L’autre problème avec cette machine, les imprimantes utilisées sont des imprimantes thermiques. A.D. Shekomba se montre très dubitatif au sujet de la qualité des documents produits par ces imprimantes.

« La qualité de la photo imprimée n’est pas très claire. La durée de vie des imprimés thermiques est limitée dans le temps. Les données s’effacent rapidement. Et s’il y a contestation demain, impossible de recompter les voix. Les données auront déjà disparu sur la preuve de vote », révèle le candidat.

 

Comment éviter les dérapages techniques ?

Pour A.D. Shekomba, on ne peut pas éviter les dérapages techniques liés à cette machine. Face à la dématérialisation du vote, il est impossible de tracer les opérations sans moyens techniques et humains adéquats.

« Ceux qui parle d’organisation des témoins dans le bureau de vote ne sont pas conséquent. L’organisation des témoins dans le bureau de vote était possible quand le vote était manuel. Avec la digitalisation de choix, ces témoins doivent être des informaticiens pour suivre qu’il n’y a pas modification de données. Et il est aujourd’hui impossible de mobiliser 90 milles informaticiens pour suivre toutes les opérations », interpelle Shekomba.

 

Et d’ajouter : « techniquement, si on part aux élections avec cette machine, la tricherie est imparable.  Les gens qui ont l’intention de tricher, vont réussir leur coup et ceux qui affirment d’être prêt à aller aux élections avec ou sans machine à voter sont eux aussi dans le coup de gens qui veulent tricher ».

 

Quelle alternative à cette machine ?

Pour Alain Daniel Shekomba, l’alternative à ce risque de tricherie serait de ne pas imprimer les choix sur la machine. La machine devra juste servir à l’identification des candidats sur l’écran. Et pour voter, utiliser un bulletin papier sur lequel le lecteur pourra marquer juste le numéro de son candidat.

Pour lui, étant donné que la CENI refuse d’ouvrir le capot logiciel, discuter sur cette machine s’est perdre du temps. La chose la plus simple à faire serait de se servir de la machine pour afficher la liste de candidat.

Surtout, précise-t-il, « entrer dans les codes sources et chercher le script malicieux nous prendra du temps. Alors que ce que nous voulons, c’est comprendre comment aller aux élections le 23 décembre avec les équipements disponibles ».

Mais selon le Président de la CENI, cette proposition, bien que pertinente, pose problème par rapport à la loi. D’après lui, la loi n’autorise pas qu’on ait juste le numéro du candidat sur le bulletin de vote. Il faut retrouver sur chaque bulletin le nom, la photo, le numéro, et l’orientation politique du candidat.

Cependant, recadre Shekomba, « sur le bulletin imprimé par la machine, le logo et la photo du candidat sont illisibles. Seuls les numéros et le nom sont lisibles mais dans une qualité très faible. Et face à cette évidence, Nangaa n’a donné aucune explication ».

 

Berckmans Kitumu

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