RDC: les institutions de la république à l’épreuve de la dépersonnalisation

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Dans un discours prononcé en 2009, le Président Obama déclare ce qui suit: « …L’histoire est du côté de ces courageux Africains, et non dans le camp de ceux qui se servent de coups d’État ou qui modifient les constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions… »

Cette formule choc est devenue depuis un sujet de commentaire en relations internationales et plus généralement en sciences politiques.

La portée générale de cette déclaration laisse entrevoir une multiplicité de complexité. Elle ouvre un champ libre à un débat franc, justifiant encore l’intérêt de l’alimenter, à l’image des spectacles que nous offre actuellement les institutions étatiques africaines.

 

Culte de la personnalité au sommet des institutions

Dans son mot d’ouverture de la session parlementaire samedi 16 septembre, Aubin Minaku, président de l’A.N, a félicité le président de la république pour son  » sens élevé d’homme d’État » et pour avoir « respecté » la Constitution.

Il a aussi présenté son dauphin (celui du président Kabila), Emmanuel Shadary.

« Je ne saurais clôturer ce chapitre sans rendre un vibrant hommage à son excellence Joseph Kabila Kabange, président de la République et chef de l’État, d’abord pour le sens élevé de responsabilité dont il a fait montre, en ayant fait, depuis toujours, le choix de respecter la Constitution, ensuite, en ayant su lier la parole à l’acte, dans la désignation d’un autre cadre de sa famille politique pour la prochaine présidentielle. Puisqu’il s’agit d’un député, d’un collègue, j’avais souhaité le citer. Il s’agit de l’honorable Ramazani Shadary. Notre collègue. Hommage à ce grand homme du temps moderne qu’est Joseph Kabila Kabange », a déclaré le président de la Chambre basse du Parlement.

La question qui nous préoccupe est cet amalgame du président d’une institution de la république qui se mue en communicateur d’une plateforme politique.

Il viole indubitablement l’éthique et la déontologie de sa fonction républicaine qu’il incarne du haut de son perchoir et de son marteau.

 

Doit on faire l’éloge d’un homme qui a fait ce qu’il devait faire?

Selon Idrissa Diarra, Géographe politologue burkinabé, les plus grandes dictatures du monde ont eu recours à leurs institutions propres.

Les institutions peuvent s’entendre comme des cadres structurés, plus ou moins complexes et élaborés. Elles sont gouvernées par des règles plus ou moins cohérentes pour assurer une mission sociale, politique, économique, culturelle (…) donnée, mission par laquelle une institution particulière tire son identité sociale ou sa spécificité.

Ainsi, en RDC, nous avons des institutions républicaines telles que la présidence, le parlement, les cours et tribunaux, etc.

Ces institutions ont leur pendant dans les provinces: gouvernorat, assemblée provinciale, etc. Chacun a son niveau à assume une fonction régalienne.

Mais ces institutions se diffèrent au regard de leurs types de société et leur mode de gouvernance : démocratie ou dictature.

 

Différence entre institutions démocratiques et institutions dictatoriales

Le président Obama a dans son discours indexé les institutions démocratiques comme étant dépersonnalisées. Elles exercent leur mandat dans l’esprit de la séparation des pouvoirs et font prévaloir l’expression libre des citoyens.

Les secondes, sont surtout des instruments au service d’un souverain, d’un homme qui leur fait de l’ombre, ou si l’on veut encore au sens d’ Obama, au service d’« hommes forts ».

Aussi, les institutions démocratiques sont au dessus des citoyens considérés à titre personnel.

Alors que dans une dictature, si le mystère est entretenu auprès de la majorité des personnes ordinaires qu’elles ne doivent pas être défiées, elles demeurent en revanche, de simples instruments, soumis aux ordres du dictateur, qui décide de leurs sorts, selon son bon vouloir (…).

Ainsi en est-il des institutions de la RDC si l’on en croit ce discours du président de l’A.N.

 

L’Afrique a besoin des institutions fortes que des hommes forts

« Une Afrique qui a besoin d’institutions fortes au XXI siècle, c’est une Afrique où les institutions de profils démocratiques sont en mesure de survivre à leurs géniteurs/concepteurs, » a déclaré le Président Obama.

Une telle affirmation de la part du Président américain, peut trouver sa justification dans le fait que si l’on s’en tient à la seule présence d’institutions de types démocratiques de par la dénomination, nombre de pays d’Afrique francophone n’ont rien à envier à l’Occident.

Ces pays, du point de vue du faciès (organisation et régularité des élections), seraient de grandes démocraties comparables à certains égards, aux USA ou à l’Europe occidentale.

Cependant, dans la pratique, c’est une autre histoire !

Dans la réalité, ces institutions ne parviennent pas toujours à s’affirmer fortement et à se dépersonnaliser. Elles ne sont pas en mesure d’éviter les crises et conflits post-électoraux, les crises et les conflits liés à l’alternance au pouvoir, à favoriser le renouvellement de la classe politique et l’accession de la jeunesse au pouvoir et à permettre un développement socioéconomique réel.

D’où la différence entre ces institutions et leurs homologues occidentales.

Comment les citoyens peuvent-ils s’empêcher dans ces conditions, de défier ces institutions.

Surtout, lorsqu’elles déçoivent des espoirs immenses et sont la cause de nombre de frustrations, au point de donner l’impression de n’être que des bâtiments tout beaux, impressionnants par leurs architectures mais dont l’utilité démocratique laisse plus d’un citoyen, perplexe.

Cela est d’autant plus ambivalent que ce sont les malheureux et pauvres qui doivent en renflouer les caisses.

Quand un président d’une grande institution de la république se permette de louer les qualités d’un candidat aux élections présidentielles en pleine séance plénière.

L’on se pose sérieusement des questions sur sa probité morale et son éthique de travail. Lorsqu’il va félicité le Chef de l’État pour avoir respecter la constitution, ça c’est encore plus ambiguë.

N’est ce pas que dans sa prestation de serment, ce dernier a juré de la respecter? En quoi cela est il un acte héroïque?

Et lorsque la même personne affirme encore: « la démocratie c’est aussi savoir respecter les institutions de la République ».

C’est le comble de l’ironie! On nage carrément dans la tragi-comédie.

 

Sommes-nous réellement en démocratie?

« Lorsqu’à aucun moment, la vision politique du leader ne laisse aucune place à l’expression de la liberté citoyenne, le projet politique pourrait prendre toute autre dénomination, sauf la démocratie ! »

C’est en tout cas c’est que le Président Kabila a réussi à faire. Il a amené toutes les institutions de la république à tout faire en son nom et pour lui. Chacun se sent obligé de l’amadouer ou de lui faire des d’éloges pour ne pas se mettre sur un siège éjectable. Sous le mobutisme, on appelait cette attitude:  » le djaleloisme. »

D’où le concours des éloges observés dans les chefs de certaines institutions qui ne jurent que par le Chef de l’État, son pouvoir discrétionnaire, son excellence, son altesse sérénissime, etc. Et cela même lorsque les mots à dire ou l’acte à poser n’a rien avoir avec lui.

Ainsi, dans une lettre adressée au Vice gouverneur de la Tshopo et à tous les services de la province, le gouverneur en mission, les instruit de tout faire pour accueillir chaleureusement le dauphin du Chef de l’État E. Shadary en déplacement samedi 15 septembre dans cette province.

Encore une bévue que l’on aurait pu éviter pour ne pas donné raison à ceux qui prétendent que les élections sont déjà gagnées d’avance.

Comment expliquer qu’un gouverneur de province exige à ses services de mettre tout l’appareil de l’État au service d’un homme et de surcroît simple candidat de la république ?

À ce stade, il serait logique de dire que les institutions congolaises sont abusivement restés à l’état de Bébé ou carrément d’embryon.

Depuis le temps, elles n’ont jamais donné l’espoir aux citoyens, qu’elles changeront un jour! Leur situation finit par devenir critique et le laxisme à leur égard, consisterait à ne déterminer aucun horizon de temps nécessaire à elles, pour passer le cap de l’ « immaturité ».

Chaque peuple a les institutions qu’il mérite.

 

Thierry Bishop Mfundu

1 Comment

  1. Mais qui a mis au pouvoir l’homme fort devenu dictateur? Surtout que cet homme comme les deucx autres hommes forts au Rwanda et Uganda voisins, tous sont venus de leur exil Tanzanien d’où normalement ils devaient avoir appris une forme de modération dans leur comportement au pouvoir (la Tanzanie étant dans le giron américain). Mais les faits sont là, ce sont des brutes dans le sillage d’Henri Morton Stanley qui y a recruté les bourreaux qu’il a conduit en travers du basin du Congo, massacrant les paisibles ayants-droit locaux.

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