7 pêcheurs congolais tués au lac Édouard, 92 pêcheurs congolais arrêtés par la marine ougandaise, 4 militaires ougandais et trois civils trouvent la mort dans des affrontements entre la force navale congolaise et la marine ougandaise sur les eaux du lac Édouard, 12 pêcheurs congolais tués en représailles par la marine ougandaise, etc.
Voilà quelques uns des titres des tabloïds sur ce qui se passe à la frontière entre l’Ouganda et la RDC.
La situation devient de plus en plus violente et les germes d’une guerre entre les deux pays semblent inéluctables. Pourtant à Kinshasa, personne n’en parle. Tout va bien, tout va pour le mieux.
Depuis le mois de juillet dernier, on observe un regain de violence entre les deux pays. Violence causée principalement par la pêche sur le lac Édouard et la délimitation des frontières entre les deux pays.
Renforcement de la présence militaire ougandaise
Des groupes des pêcheurs venus de Kyavinyonge jettent tranquillement leurs filets sur le lac Édouard lorsque soudain une patrouille de la marine ougandaise surgit à l’horizon.
Une course poursuite est alors engagée entre les deux parties. Les petits moteurs des pirogues ne peuvent faire face à cette lourde artillerie et moins de 10 minutes après, les piroguiers sont appréhendés.
Cause: pêche illégale dans les eaux territoriales ougandaises. Pourtant les pêcheurs juraient être du côté congolais du lac.
Malheureusement pour eux, ils sont déjà sous les viseurs des kalachnikov des hommes du Lieutenant Deogratias Kato, commandant de cette unité de la marine ougandaise.
Depuis juillet dernier, la marine ougandaise a renforcé son dispositif sur les lacs Édouard et Albert. Les patrouilles maritimes ont aussi été augmenté. Question selon les autorités ougandaises de freiner les élans des pêcheurs congolais illégaux.
Mettre ainsi un terme à la pêche illégale qui sévissent sur les deux lacs: Édouard et Albert, plus au nord.
Plus de 400 pêcheurs congolais arrêtés
Selon Jonas Kataliko, président de l’association des pêcheurs de Kyavinyonge, plus de 400 pêcheurs ont déjà été arrêtés depuis les débuts de ces opérations maritimes ougandaises.
Cette situation a provoqué une vive tôlée entre les deux pays voisins marquée par un bref affrontement entre les deux armées sur le Lac Édouard.
Au mois de juillet dernier, le Gouverneur de la province du nord Kivu, Julien Paluku, a envoyé une délégation du côté ougandais pour négocier la libération des pêcheurs ainsi détenus.
Cette délégation a identifié 102 pêcheurs congolais détenus en Ouganda et enregistré la mort de 13 personnes du côté congolais et de 5 personnes du côté ougandais.
Mais la libération de ces pêcheurs n’a pas été obtenu. Ils continuent encore de croupir sous les geôles ougandais.
Du côté ougandais, on parle un autre langage. « Seulement 98 Congolais purgent actuellement des peines de deux à quatre ans de prison en Ouganda dans le cadre de cette opération.
« Les 200 premiers Congolais arrêtés qui ont plaidé coupables ont été renvoyés. Certains de ceux que nous avons pardonnés et renvoyés sont revenus dans nos eaux », avait déclaré le lieutenant-colonel James Nuwagaba, qui dirige l’opération ougandaise de lutte contre la pêche illégale.
Qui dit vrai ? Qui dit faux? Dans la jungle des grands lacs, tous les coups semblent permis.
Situation particulière du lac Édouard
Le lac Édouard est un des Grand Lacs d’Afrique . Il se trouve dans la Vallée du grand rift sur la frontière entre la République Démocratique du Congo qui possède 71 % de la surface et l’ Ouganda 29 %.
Bien que possédant la plus grande partie des lacs Edouard et Albert, les eaux situées dans la partie congolaise sont moins poissonneuses. Et pour cause: la pêche illégale et non régulée a vidé les eaux de poissons.
Poussés par la faim et l’appât du gain, les pêcheurs des cités et localités riveraines poussent dès lors jusque dans les eaux territoriales ougandaises.
Or, Kampala a lancé une opération militaire pour tenter de lutter contre la surpêche et la pêche illégale dans ses eaux territoriales.
« Depuis que nous avons commencé notre campagne contre la pêche illégale, les stocks de poisson ont augmenté de notre côté… », assure à l’AFP Michael Nyarwa, chef de le marine ougandaise. « Parce que nos eaux sont chaudes (…), il y a de la vie marine qui fournit des organismes vivants dont se nourrissent les poissons », ajoute-t-il. « Et de notre côté, les eaux sont peu profondes, ce qui en fait des zones de reproduction fertiles ».
Question de survie économique
Les pêcheurs congolais estiment que la pêche est leur activité principale et que sans elle, ils risquent de mourir de faim.
» Avec la pêche, je nourris ma famille et puis j’envoie mes enfants à l’école. Comment ferai-je pour survivre sans cette activité, » déclare éploré un pêcheur au micro de notre correspondant dans la région. D’où, leur acharnement a sillonné le lac pour poursuivre les bancs des poissons.
Du côté ougandais, l’industrie de la pêche, principalement sur les lacs Victoria, Edouard et Albert, représente 3% du PIB ougandais et emploie 700.000 personnes selon des statistiques.
Ce qui est un enjeu non négligeable pour ce pays qui n’a pas d’accès à l’océan.
Invités de marque : les groupes armés
En dehors de la confrontation directe entre les deux armées, il y a la problématique des groupes armés qui pullulent dans la région. Il s’agit principalement des ADF/NALU, des groupes Mai Mai comme le Raïa Mutomboki, etc.
Certains habillés en tenue militaire congolaise et d’autres ougandaise. Ils rançonnent les pêcheurs en se présentant comme étant des forces de l’ordre.
Ils kidnappent les pêcheurs de deux côtés et demandent des rançons. Ce qui a pour conséquence, de créer une grande confusion dans les deux camps qui s’accusent mutuellement de tel ou tel enlèvement.
Mais il faut reconnaître aussi que certains militaires jouent à ce sale besogne.
Manque de coopération
Le plus grand défi de cette situation reste le manque de collaboration entre les deux parties. Chaque camp joue seul la partition et il n’y a pas d’échange d’informations d’où les incompréhensions et les confrontations.
Au lieu de travailler ensemble, les deux parties vont de confrontation en confrontation.
La délimitation définitive des frontières communes reste aussi un défi majeur qu’il faut relever. Il faut établir clairement les frontières maritimes entre les deux pays.
« La RDC a 75 % des eaux du lac Édouard alors que l’Ouganda en a 25%. Le problème, aujourd’hui, c’est la délimitation de ces eaux. Je crois, qu’à l’issue de la réunion qui sera tenue très prochainement, la question de la délimitation du lac Édouard devra être abordée pour que l’on mette définitivement un terme à ce genre d’altercations », a déclaré Julien Paluku à RFI.
Mais depuis cette annonce aucune réunion n’a eu lieu et les morts continuent à s’entasser.
« Les pays qui partagent de telles frontières doivent conclure des accords qui délimitent leurs territoires et protègent leurs ressources. Cela aide à la régénération des stocks », plaide Egide Nkuranga, un défenseur rwandais de l’environnement.
Des sources ougandaises affirment que les états majors de deux pays se sont concertés dernièrement en Ouganda et les pourparlers vont continuer d’ici peu du côté congolais.
Entre temps, la découverte du gisement pétrolier sur ce lac risque encore d’ajouter du remous dans cette zone déjà à problème.
En relations internationales, la guerre ne doit être que le dernier recours si toutes les négociations ont échoué.
Thierry Bishop Mfundu