La Libération de J-P. Bemba a suscité plusieurs espoirs au sein de la population congolaise en général et de Kinshasa en particulier. Dès l’annonce de son acquittement, il y a eu des cris de joie, des klaxons des véhicules et même des marches improvisées.
Mais la libération de Bemba suscite aussi des craintes et des doutes. Le Bemba de 2006 est-il encore celui de 2018? La prison ne l’a-t-il pas ramolli? Plusieurs questions qui restent à ce jour sans réponse.
C’est pourquoi nous avons bien voulu nous entretenir avec Didier Dikolo Bin Dikolo, analyste politique congolais, pour connaître les enjeux liés à la libération du Chairman.
Bemba est un homme affaibli et perturbé
Pour Didier Dikolo, Jean-Pierre Bemba est un homme affaibli et perturbé. Son état nécessite une prise en charge psychologique plus ou moins longue. Plusieurs causes expliquent selon lui ces chocs psychologiques.
Il y a d’abord l’échec électoral de 2006 et la mort tragique de son père (Jeannot Bemba). Il y a aussi le traumatisme occasionné par les dix longues années de détention injuste et la trahison de ses anciens compagnons de lutte. Notamment, Olivier Kamitatu, José Endundo, José Makila, Jean Lucien Busa, Germain Kambinga, Delly Sessanga, François Mwamba, Thomas Luhaka, etc.
Toutes ces choses l’ont profondément marqué.
La famille Bemba n’est plus si nantie que ça
Didier Dikolo estime que la situation financière peu confortable de la famille est aussi un autre facteur déstabilisant.
Bien que souvent cet aspect soit occulté, selon lui, et même généralement réfuté. Le manque de finance pourrait entraver la capacité de rebondissement politique de Jean-Pierre Bemba.
Il soutient que malgré les apparences et les déclarations tapageuses de fortune, l’empire Bemba s’était en réalité effondré depuis.
D’abord avant la chute de Mobutu, le mécène de l’empire. Cela fait suite à la malversation et la perte des avantages lui accordés jadis par l’Etat Zaïre avec la bénédiction de Mobutu.
« L’avènement de L-D. Kabila au pouvoir en 1997 ne va pas enrayer la spirale du déclin parce que plus de 50% du patrimoine immobilier du groupe Bemba sera confisqué par le tombeur de Mobutu avant d’envoyer en prison le père, Jeannot, » relate Didier Dikolo.
Il soutient que Bemba fils a dilapidé les finances familiales.
« Le fils, Jean-Pierre, qui avait pris les armes au début des années 2000 contre Kabila dans l’espoir de regagner la mangeoire perdue (récupérer les biens mal acquis de son père confisqués par L. D Kabila), aurait gaspillé, selon les indiscrétions de la famille, 60% de la fortune familiale pour soutenir les efforts de guerre, » déclare l’activiste citoyen.
Dans sa logique, il estime qu’à cette sinistre comptabilité s’ajoute aussi le gel des avoirs sur décision de la CPI. Ce qui est le lourd tribut payé en frais d’avocats et commission d’experts.
Le MLC: un parti à multiples problèmes
Didier Dikolo dans son analyse, entrevoit le MLC comme un parti à problèmes. Pour lui, même s’il a survécu à l’érosion de ses cadres et à l’absence physique de son leader-fondateur, le parti de Jean-Pierre Bemba est en perte de vitesse.
Cette perte est observable dans tout le pays, y compris à Kinshasa et dans l’ex province de l’Equateur, fiefs naturels de « Igwe ».
Le parti a perdu une large part de soutien de la population et ses capacités à modifier les rapports de forces politiques sur le terrain en rapport avec la délicate équation électorale sont plus que relativisés.
Dire que le MLC est un parti fort c’est hypothétique.
Bemba sous spectre de l’inéligibilité
Bien que les capacités de rebondissement politique de Jean-Pierre Bemba soient entamées, le pouvoir de Kinshasa qui connaît les compétences managériales et entrepreneuriales de l’ancien vice-Président de la transition sous 1+4, ne le minimise pas.
Au contraire, il le prend très au sérieux et a à cœur la règle d’or de la stratégie militaire : « Ne jamais minimiser l’adversaire ». Il connait la légitimité politique de Bemba et sa popularité dans la capitale. L’efficacité de ses réseaux avec les pays voisins et sa forte personnalité.
Dans ces conditions, son retour dans le jeu politique pourrait considérablement bouleverser l’architecture et le paysage politiques au Congo, isolant certains acteurs et repositionnant d’autres au sein des nouvelles alliances qui verront le jour.
Tous ces facteurs amènent Didier Dikolo a déclaré que ce n’est pas l’imagination qui manque au régime pour lui coller un faux procès. Déjà, il y a eu ce faux communiqué du PGR invitant les victimes des violences de 2006 à se prononcer.
Certains rumeurs vont bon train sur la (tri) bi-nationalité du » chairman. »
Il faut tout de même reconnaître que la libération de J-P. Bemba coupe l’herbe aux pieds des acteurs politiques de la RDC tant de la majorité que de l’opposition.
Quand à la population, face à la crise de leadership politique, il a trouvé en J-P. Bemba un contre-poids face à un Joseph Kabila taciturne, sournois et fin stratège.
De la vice présidence à la prison et de la prison à la présidence, il n’y a qu’un pas. Mais pour le faire, ça c’est un autre problème.
Thierry bishop Mfundu