Mandat de plus pour Kabila: ballon d’essai d’une stratégie dangereuse

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Kabila dauphin

Alors que nous tendons vers la tenue des élections, l’hypothèse Kabila successeur de Kabila semble plausible. Les déclarations actuelles des communicateurs de la MP, les calicots annonçant sa candidature et bien d’autres encore prouvent à suffisance ses dires.

Le réajustement controversé des membres de la cour constitutionnelle et la tribune de Cyrus Mirindi sont aussi à mettre à ces faits annonciateurs.

Il règne donc à Kinshasa une situation de paix armée, comme un calme qui annonce la tempête.

 

Kabila a encore un mandat constitutionnel

Tel est le pavé sur la mare jetée par Cyrus Mirindi hier sur Radio Okapi.

Selon ce chercheur en Droit proche de la MP,  » il reste un mandat constitutionnel au président Joseph Kabila pour atteindre son deuxième mandant constitutionnel. »

Dans son exposé sur Radio Okapi, Cyrus Mirindi estime que la révision partielle de la constitution en 2011 « était fatale » et que la Cour constitutionnelle devrait annuler l’article 71 révisé.

Avant sa modification, le dit article prévoyait une élection présidentielle à deux tours. Après modification, l’élection présidentielle fut ramener à un seul tour.

« Puisqu’ils ont touché à l’article 71, ils ont touché effectivement au régime de droit de nombre et de la durée du mandat. Il fallait qu’en 2011, lorsque le Parlement avait touché cet article qu’on puisse aller bloquer et annuler cet article au niveau de la cour constitutionnelle », a soutenu Cyrus Mirindi.

Pour lui, cette modification de la constitution fait tabula rasa du mandat précédent de Joseph Kabila. Qui n’aurait effectué qu’un seul mandat, le deuxième étant rendu caduque.

« Le comptage qu’on doit prendre constitutionnellement, c’est le comptage qui débute à partir de l’élection de 2011. A partir de ce moment-là, le président de la République a fait un mandat et il lui reste un deuxième mandat pour atteindre le plafond constitutionnel. Ça fait mal mais c’est une réalité », justifie Cyrus Mirindi.

Cette interprétation juridique doit aussi tenir compte du Real politik en RDC, un pays au bord de l’implosion politique et sociale. L’opposition n’a pas tardé de réagir face aux propos de Mirindi.

 

Mandat de plus à Kabila: démarche des délinquants constitutionnels

C’est ainsi que Jacques Ndjoli, Sénateur et constitutionnaliste qualifie les propos de Mirindi.

Intervenant lui aussi sur Radio Okapi, il a essayé de recadrer son homologue constitutionnaliste. Pour Jacques Ndjoli, il faut distinguer le scrutin et le suffrage. Ces deux notions élémentaires doivent être dissociées.

Et en droit constitutionnel congolais, elles ne bénéficient pas de la même protection juridique. L’une est révisable, l’autre est intangible. La lecture des articles 70, 71 et 220 de la Constitution en donnent les modalités.

Le scrutin est l’ensemble d’opérations des votes et des modes de calcul destinés à départager les candidats. Les modes de scrutin désignent comment seront déterminés et comptabilisés les résultats.

Le mode de scrutin pour l’élection présidentielle posé par l’article 71 révisé en 2011 n’est pas cadenassé par l’article 220 de la Constitution. Il n’est pas repris parmi les matières intangibles de la Constitution. On ne peut lui imposer le principe d’immutabilité.

Le choix des modes de scrutin n’est jamais neutre ni stable. Au regard des luttes politiques, des contraintes et des positions des acteurs, il est sujet à controverses et débats.

Pour preuve, il donne l’exemple de la constitution française notamment en ce qui concerne la représentation proportionnelle.

Le principe d’immutabilité concerne plutôt le principe du suffrage universel, la durée et le nombre des mandats.
Pour lui, cela est posé dans l’article 220 de la Constitution.

Le suffrage est l’acte ou le droit de vote par lequel un citoyen porte son choix lors d’une élection. Le suffrage peut être universel ( ici tous les citoyens majeurs peuvent votent), direct ( le citoyen vote lui-même), indirect (le candidat est élu par un collège électoral).

Il peut aussi être restreint. ici, on limite le vote en fonction des critères comme le revenu dans le suffrage censitaire).
L’article 70 dispose que le Président est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

Cette disposition est intangible, elle est verrouillée par l’article 220. Elle est la clé de voûte, et représente l’essence même de la Constitution du 18 février 2006.

Vouloir la transgresser par des arguments fallacieux, des hérésies et théories c’est dénaturer le texte constitutionnel. Tel que le fait Mirindi.

Ainsi Jacques Ndjoli estime que si le président postule pour un autre mandat, il s’expose à une poursuite pour haute trahison.

Dans son argumentaire, il cite aussi l’accord du 31 décembre 2016 qui reconnait au point II du chapitre 2 l’épuisement de deux mandats du Président actuel.

Cet accord vaut convention constitutionnelle. C’est un texte pas formellement constitutionnel mais matériellement constitutionnel ( de par son contenu et sa place ).

Il a une valeur constitutionnelle.

 

Étrange et soudaine apparition de Mirindi

Le sénateur du MLC se pose alors plusieurs questions :

Où était ce génie constitutionnaliste à l’époque ?

Pourquoi l’accord a été piétiné, détourné et contourné ?

Ainsi, il affirme que le refus de se soumettre à cette convention exhibe le fait que le problème n’est pas dans le texte mais dans l’homme. Il y a volonté de pérenniser un individu, de conserver ataviquement le pouvoir, de domestiquer et confisquer les institutions étatiques.

Monsieur Ndjoli s’en prend également à Mirindi : « vous devez être guidé par l’esprit de rationalité et de vérité. Dans votre obsession de constitutionnaliser l’inconstitutionnalité, de monarchiser ce régime, vous donnez l’exemple de la France en méconnaissance de l’histoire politique et constitutionnelle française.

En effet, M Chirac n’avait pas bénéficié de la révision constitutionnelle de 2000 réduisant la durée du mandat de 7 à 5 ans pour avoir la possibilité de se représenter en 2007. À l’époque, c’est à dire avant la révision constitutionnelle, il était possible pour le Président d’exercer plus de 2 mandats consécutifs. »

 

Un mandat de plus pour Kabila est une imposture

Plusieurs autres opposants sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’il qualifie d’imposture.

« Donner un mandat de plus à Kabila c’est brader l’héritage de nos ancêtres », telle est la déclaration de Jean Claude Mvuemba, député et initiateur du MPCR.

L’opposition estime qu’il s’agit d’une bombe entre les mains de la MP qui explosera et dont les conséquences seront incalculables, si l’on en croit Martin Fayulu.

« Les gens veulent tout simplement créer la panique et désorganiser l’Etat. Mais nous, nous demandons simplement à Kabila de respecter notre constitution, s’il lui reste encore un peu de conscience », interpelle Christian quand à lui Mwando Nsimba, président de l’UNADEF.

 

Stratégie dangereuse

La société civile n’est pas restée de marbre.
Elle demande à la majorité au pouvoir de revenir à la raison et de ne pas embrouiller le peuple congolais.
« Il est grand temps que nos frères et sœurs de la majorité présidentielle abandonne cette stratégie dangereuse. Parce que, là, ils visent tout simplement à déstabiliser encore ce pays qui peine à se remettre », prévient pour sa part Georges Kapiamba de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ).

 

Thierry bishop Mfundu

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