« Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois », ainsi se trouve libellé l’article 70 de la Constitution dans son alinéa premier. Cela aurait suffi, dans les conditions idéales, pour garantir l’alternance au sommet de l’Etat. Malheureusement, la RDC connaît une telle situation d’anormalité que les textes de lois ont finalement perdu toute leur force.
Au Congo, la force n’est plus à la loi. Bien au contraire, il y règne la loi de la force. On dirait la raison du plus fort. Comme dans la jungle. Dans ce contexte, la loi fondamentale est constamment violée. Et cela sans aucun remord de la part de ceux qui la violentent.
L’illustration la plus éloquente est la non tenue des élections, en l’occurrence le scrutin présidentiel, en 2016, question qui, depuis lors, taraude tous les esprits. Généralement évoquée pour justifier cette prolongation de fait du mandat de Joseph Kabila jusqu’à 7 ans – alors que la Constitution fixe un délai de 5 ans –, l’argument financier a été chaque fois démonté par ailleurs.
La tentation de la révision constitutionnelle
Il s’agit, à en croire des analystes politiques, ni plus ni moins des manœuvres pour retarder les échéances et saisir, le moment venu, l’occasion d’opérer un passage en force vers le référendum ou la révision constitutionnelle. L’initiative de cette dernière appartenant, aux termes de l’article 218 de la Constitution, concurremment au Président de la République, au Gouvernement après délibération en conseil des ministres, à chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres et à au moins 100.000 personnes dans le cadre d’une pétition adressée à l’une des deux chambres.
A la suite du vote à la majorité de chaque chambre, le projet, la proposition ou la pétition est soumise au référendum. Cependant, si le Congrès – Assemblée nationale et Sénat réunis – l’approuve à la majorité des 3/5 de ses membres, il n’y a pas référendum. La révision constitutionnelle est effective. Il s’en suivra la promulgation de la constitution ainsi révisée par le Chef de l’Etat.
Relevons que si la constitution, en son article 220, détermine les matières ne devant pas faire l’objet d’une quelconque révision – ou amendement partiel -, à savoir la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, etc., il n’est pas exclu, d’après une certaine opinion, de changer carrément l’ensemble de la constitution.
Et même si les parties prenantes aux discussions directes de la CENCO se sont engagées à n’entreprendre ni soutenir aucune initiative de révision et de changement de constitution, cet arrangement politique n’a pas la primauté sur la constitution. Bon, les juristes pourront longuement pérorer sur cette matière si technique relevant du droit constitutionnel.
Il est évident que la révision constitutionnelle est un droit dont l’exercice dans les conditions déterminées par la Constitution ne peut être suspendu sous aucun motif. Pourtant, une question – voire plus – mérite d’être posée. Y a-t-il aujourd’hui opportunité d’aller vers une révision constitutionnelle ? Evidemment non. D’autant plus que toute l’attention de la population, du moins une bonne partie – pour ne pas paraître excessif -, est portée à ce jour sur l’organisation, fin décembre, des élections générales.
Aussi, faut-il relever que cette révision, sauf si elle est approuvée à la majorité des 3/5 des parlementaires en congrès, impliquerait que soient engagées d’importantes dépenses pour l’organisation du référendum sur toute l’étendue du territoire national. Or, la problématique du financement des élections tant attendues est loin d’être définitivement réglée. Une telle démarche serait inopportune. Sur les plans politique et financier.
On dira aussi sur le plan sécuritaire, car elle pourrait, du fait de son caractère impopulaire, occasionner des actes de violence et ainsi compliquer davantage la situation sécuritaire du pays déjà explosive.
Malgré les critiques les plus acerbes et les tensions observées dans le pays, des cadres de la majorité au pouvoir, guidés par des intérêts partisans et égoïstes, n’hésitent pas à soutenir publiquement l’idée d’une révision constitutionnelle dans l’unique but d’assurer à Kabila un troisième mandat, un quatrième, un cinquième, un sixième …… A l’infini. Qui sait ? Peut-être une présidence à vie si cela est encore possible. Ils sont plus que déterminés à faire sauter ce dernier verrou constitutionnel, même si d’autre part l’idée du dauphinat s’invite désormais au débat.
Des slogans tels que ‘’Kabila totondi yo nanu te’’ lancé avec emphase par Tryphon Kin Kiey Mulumba, président du parti politique Kabila désir, son second parti créé pour la circonstance – le premier étant le Parti pour l’Action -, et membre influent de la MP, suffisent pour nous en convaincre.
Et si la solution venait de Kabila ?
Comment ne pas susciter des inquiétudes parmi la population, surtout que Kabila, lui-même, renvoie systématiquement, sans plus, à la constitution chaque fois qu’il est interpellé sur cette question ? Echappatoire ! Le CLC a de bonnes raisons de lui demander, à travers ses marches, de s’engager publiquement à ne pas briguer un autre mandat. Joseph Kabila Kabange est pour sa part loin de céder. Déjà trois marches, au moins quinze morts, mais JKK toujours de marbre. Le CLC va organiser d’autres marches, il y aura encore des morts, peut-être, mais JKK restera impassible. Probablement.
Combien de morts faut-il pour que JKK rassure ? En disant simplement qu’il ne briguera pas un autre mandat. Une phrase simple, mais qui pourrait sauver des vies. Jusqu’à quand continuera-t-on à faire cette comptabilité macabre avant de prendre des mesures qui feraient retomber la tension ? Finalement, JKK n’a-t-il pas réellement l’intention de s’accrocher au pouvoir, comme d’aucuns le pensent ?
Dans le cas contraire, il n’a qu’à donner les garanties de sa bonne foi. Au lieu de jouer au dur. Les écrits – dont la constitution – ne suffisent plus. Il faut bien plus. Ainsi, on arrêterait l’escalade de la violence policière et militaire. Une violence qui ne se justifie nullement dans un Etat dit de droit et démocratique
JPD Libaku