Si pour tous les acteurs du changement l’objectif demeure l’alternance au sommet de l’Etat, la manière d’y arriver est loin de faire l’unanimité. Quoiqu’à ce jour l’approche du Comité Laïc de Coordination, une approche non violente, tend à fédérer toutes les forces sociales et politiques acquises au changement. Et les retombées positives en termes de pressions exercées sur le régime de Kabila se font de plus en plus sentir. Mais jusqu’où ces laïcs, rejoints par de nombreux Congolais, peuvent-ils aller ? C’est la grande énigme.
Pourtant, Antipas Mbusa Nyamwisi, cet ancien rebelle, semble avoir la réponse. Sa réponse. En réalité, une invitation qu’il lance à ses pairs de l’opposition à lever de nouvelles options, à explorer d’autres pistes, à ses yeux, beaucoup plus efficaces que les simples marches qui n’aboutiraient à rien. Sinon, à pas grand-chose.
L’option militaire mise sur la table
« Ce n’est pas la rue qui fera plier Kabila … Il n’y aura pas d’élections. Il faut donc utiliser les mêmes moyens que lui et l’opposition le sait bien. Moi je suis prêt … Certains groupes se forment déjà, il ne leur manque qu’un chef … », déclarait-il il y a quelques jours. Loin d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre, l’idée est tout de même effleurée par plus d’un.
Par exemple, Vital Kamerhe, dans ses envolées oratoires, disait à qui voulait l’entendre (il y a quelques semaines) que Joseph Kabila n’a peur que des armes. Il caressait peut-être l’idée d’en découdre avec ce dernier par les armes. Option qu’il aurait abandonnée vu son engagement débordant aux côtés des laïcs catholiques.
A des milliers de kilomètres de la mégalopole Kinshasa, le candidat à la présidentielle soutenu par le G7 et AR, Moïse Katumbi, prévenait que Kabila serait chassé du pouvoir s’il venait à organiser, voire imposer le référendum.
La différence avec tous les autres, c’est que Mbusa Nyamwisi est, lui, très clairement favorable à l’option militaire. Hinc et nunc. Et sans condition. Mais pour quelle finalité ? Le départ de Kabila, oui. L’on ne sait pas pourtant ce qui adviendrait après lui dans ces conditions. Il y a risque, si les choses se passaient comme le suggère Mbusa, que le pays recule de plusieurs années. Un peu comme à l’arrivée de l’AFDL et avec l’épisode du RCD, MLC, RCD/N, RCD/ML, son propre mouvement rebelle, devenu plus tard parti politique.
Une voie dangereuse
La situation risquerait en effet de se compliquer un peu plus. La constitution par laquelle tout le monde jure actuellement serait davantage mise à mal. On serait, bien plus que ce que nous offre le scénario actuel, dans une situation inédite, une situation non prévue par le législateur. Et le salut de toute la nation dépendrait uniquement du degré de nationalisme et du bon sens de ceux qui auront décidé d’infléchir le cours de l’histoire par la force des armes. L’histoire va peut-être se répéter, au grand dam des millions de Congolais. Et l’on ne sera pas sorti de l’auberge.
Il s’agit d’un choix qui, à terme, pourrait s’avérer infructueux. En tout cas, rien n’est sûr. Et alors ?, pourrait rétorquer ce chef rebelle, pardon, ancien chef rebelle qui connaît par ailleurs les limites et les conséquences néfastes d’un tel choix.
Et si cette quête de l’alternance par la lutte armée donnait des arguments à Kabila pour ne pas organiser les élections ? Car il n’est pas évident que cette fameuse guerre ne se termine dans un bref délai. Il se rappellera , lui Mbusa, leur guerre de 1998 à 2002. 4 ans de guerre ayant débouché sur un dialogue pour le partage du ‘’gâteau’’. Il va certainement invoquer la guerre de l’AFDL n’ayant pris que 7 mois. Cette guerre dite de libération avait en effet suscité l’adhésion populaire et celle qu’il voudrait faire pourrait aussi avoir la même adhésion du peuple. Un atout majeur pour légitimer la guerre. Mais à quel prix ? Même alors, rien n’est évident.
On sait quand commence une guerre, mais on ne sait pas quand elle se termine. Au diable, l’idée d’un énième dialogue uniquement pour la répartition des postes. La même rengaine après chaque guerre. Ce qui éloignerait davantage de l’objectif, à savoir l’alternance à la tête du pays.
L’alternance pacifique demeure la meilleure option
Aujourd’hui, avec des initiatives non violentes et populaires, la perspective ne semple plus bien lointaine. Il vaut mieux quelques jours, quelques semaines, quelques mois de retard plutôt que de faire un saut dans l’inconnu. Chi va piano, va sano. Les marches et d’autres manifestations pacifiques, si elles sont permanentes et non sporadiques, peuvent au contraire conduire très vite et sans trop de casses au changement.
Une guerre n’est toujours pas nécessaire. En aucune manière la violence ne règle durablement les problèmes de gouvernance et de démocratie en l’occurrence. Un problème réglé par la violence aujourd’hui, un autre problème du fait de cette même violence se posera demain et peut-être avec une singulière gravité. Non decet.
JPD Libaku