Il ne faut toujours pas être professionnel de la politique pour pouvoir s’en sortir de certaines situations qu’on dirait défavorables. C’est l’expérience en sa faveur qu’a vécu Joseph Kabila lors de sa rencontre avec la représentante américaine à l’ONU, Nikki Haley lors de sa visite en RDC l’année dernière.
Pour cette première visite sur le continent africain, Nikki Haley qui n’est pas une politique ; ancienne conseillère de campagne et membre de la nouvelle administration Donald Trump en qualité de représentante à l’ONU n’avait eu ni contact, encore moins une expérience malgré le briefing des services spécialisés et de l’ambassade américaine de Kinshasa révèle une source crédible. Contrairement à Bill Richardson, un politique chevronné ; élu démocrate et ancien gouverneur du Nouveau Mexique avant d’être représentant de Bill Clinton à l’ONU, qui avait lui affronté Mobutu en 1996 pour lui dire « qu’il en était fini » de son régime après 32 ans de règne.
Ainsi démunie face à un Joseph Kabila plus futé, le seul message de fermeté que Nikki Haley aura fait passer restera celui de la tenue « des élections au plut tôt fin 2018 » et non en 2019 comme le prévoyait le premier accord politique issu du dialogue de la Cité de l’Union Africaine sous le togolais Edem Kodjo.
Pourtant comme on le sait, ce premier accord n’avait plus cours de validité car un deuxième étant signé entre le régime et son opposition le 31 décembre 2016 sous l’égide de la CENCO et prévoyait lesdites élections pour tout au plus tard décembre 2017. Avec le message de Nikki Haley pour 2018, Kabila gagnait une deuxième année de sursis à la tête de l’Etat sans aucun mandat officiel.
L’attaque de Kabila
De la tension prévisible au début de leur rencontre, c’est Kabila qui prendra vite l’ascendance sur l’ambassadrice américaine : « Vous savez Madame, j’ai fait mes deux mandats et le dernier s’est terminé le 19 décembre 2016 dernier. La Constitution ne m’autorise pas un troisième et j’étais préparé à mon départ mais ce sont les politiciens congolais de l’opposition comme de la majorité qui m’ont demandé de rester encore ». Et comme justifier de sa bonne volonté, Kabila remet à Nikki Haley les copies de deux accords politique (Cité de l’UA et CENCO).
Ce que le président oublie de souligner face à son interlocutrice est que sa majorité et lui avaient introduit une requête devant la Cour Suprême de Justice pour une interprétation de la constitution qui l’avait déjà autorisé de rester à la tête du pays au-delà du 20 décembre 2016 alors qu’il n’avait pas pu « organiser les élections » à temps comme le prévoit la constitution. De son opposition bigarrée et presque corruptible au dernier médiateur de la CENCO de qu’il se moque, Kabila aura été dupé tout le monde ; mais pour combien de temps encore se demande un diplomate ?
Une deuxième chose que Kabila ne dit pas à Nikki Haley demeure que le deuxième accord politique de la CENCO interdit expressément qu’en dehors pour lui de briguer un troisième mandat, la constitution ne peut-être modifiée, encore qu’aucun référendum ne puisse être organisé. A la lumière de sa dernière sortie médiatique et aux manœuvres de sa majorité, l’on comprend expressément de quel côté penche son devenir.
Pour conforter sa duplicité, Kabila explique à Nikki Haley qu’après la mort de Tshisekedi, ce sont ses proches qui sont au pouvoir aujourd’hui en les personnes de Bruno Tshibala comme premier ministre et Joseph Olenghankoy comme président du CNSA sans compter une CENI qui existe. Il en oublie encore de préciser quel pouvoir détienne ces trois institutions face à lui tout comme de sa majorité qui phagocyte le système politique dans le pays.
Et le rôle des opposants
L’implication des opposants aura été « inexistante » selon un diplomate qui assisté à la rencontre avec Nikki Haley. Sans aucun argumentaire ni document écrit à l’instar d’un Kabila préparé, l’opposition n’avait que des revendications orales pour contester Kabila sans donner des preuves qu’à un moment, la diplomate américaine était comme embarrassée face à Pierre Lumbi et Félix Tshisekedi pour le Rassemblement, Eve Bazaiba pour le Front pour le Respect de la Constitution (FRC) et Vital Kamerhe.
La répression disproportionnée des manifestations des chrétiens le 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018 ont fini par révéler le vrai visage du régime. Nikki Haley, l’ambassadeur américain aux Nations unies, ayant jugé « réellement horrifiants » les rapports sur ces événements. Or les protestataires exigeaient pacifiquement l’application de l’Accord de la St-Sylvestre 2016 que Kabila lui avait brandi personnellement pour justifier son maintien à la tête du pouvoir. Ce document qui passe être piétiné est aujourd’hui par ceux-là qui l’ont ou au nom de qui il avait été signé.
Nikki Haley n’a pas manqué de dénoncer « la brutalité et la cruauté envers des civils innocents et des enfants dans les endroits les plus sacrés » comme l’intérieur des églises de la part des forces de l’ordre et de sécurité du régime. Elle a de plus exigé que le président Kabila demande des « comptes à ses forces de sécurité et respecter les droits humains de ses concitoyens. Mais aussi qu’il respecte « son engagement à quitter le pouvoir, conformément à la Constitution de la RDC, après des élections crédibles en décembre 2018 », ce qui ne semble pas plausible à l’agenda de l’homme qui s’accroche au pouvoir en imaginant ce qui devra lui arriver demain dès qu’il le quitte.
Luaba Wa Ba Mabungi / AFRIWAVE.COM
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