De plus en plus, une pratique liberticide s’installe dans le chef du gouvernement. Elle consiste à couper à l’improviste l’accès à l’internet à l’ensemble de la population. Cette coupure, intervient généralement la veille ou pendant les manifestations de l’opposition de grande envergure et restreint ainsi l’accès à l’information sous prétexte de l’ordre public.
Cette pratique entraîne non seulement des préjudices aux consommateurs de services de télécommunications mais aussi aux fournisseurs.
Plusieurs questions sautent, alors, aux yeux de tous. A qui profite ces coupures arbitraires ? Est-ce réellement une mesure de protection de l’ordre public ? Ou tout simplement une stratégie pour le pouvoir en place d’étouffer les libertés d’expression et d’opinions politiques ? En quoi cette pratique est-elle liberticide ?
Il faut noter, sans conteste, que la RDC a au cours de ces dernières années connu une croissance exponentielle de l’usage des médias et réseaux sociaux. Cette tendance a dépassé le niveau de compréhension et de maîtrise de ces moyens. Cela étant, sa prolifération est devenue si rapide que nul ne peut se dérober à son utilisation par peur d’être perçu comme analphabète. Il apparaît donc clairement que l’analphabétisme ne fait plus mention du manque de savoir lire et d’écrire. Aussi, il renvoie à l’incapacité de savoir combiner l’écrit, l’image, le son et de les intégrer dans une communauté d’internautes. Le tout, grâce à la diversification des supports à l’usage pour une communication plus intense et active.
Dans ce contexte, le téléphone devient alors un outil important dans la vie du commun de mortel. Autant qu’il permet, bien entendu, aux uns et aux autres d’exprimer librement des opinions sans entraves avec l’accès facile à l’internet.
Le droit à l’information : Un droit constitutionnellement garanti ?
L’article 24 de la constitution stipule que « toute personne a droit à l’information. La liberté de la Presse, la liberté d’information et d’émission radio et télévision, de la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garantis sous réserve du respect de l’ordre public, bonne mœurs et de droits d’autrui. La loi fixe les modalités d’exercices de ces libertés (…)« .
Par « …tout autre moyen de communication …on peut y assimiler les médias sociaux ou la presse en ligne «
La lecture furetée de cet article, révèle que ce droit à l’information est un Droit constitutionnel qui nécessite un encadrement par la loi pour sa jouissance effective par le peuple, car c’est la loi qui fixe ses modalités d’exercices.
Pourtant, depuis la promulgation de la constitution, aucune loi n’a été prise pour fixer les modalités d’exercices de libertés prévues par cet article 24.
Ainsi conformément à l’article 221 nous avons fait appel à la loi sur la N°96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités d’exercices de la liberté de la presse.
Et dans son article 8, cette loi dispose que toute personne a droit à la liberté d’opinion et liberté d’expression.
Par liberté d’opinion et d’expression, il faut entendre le droit d’informer, d’être informé et d’avoir ses opinions, ses sentiments et de les communiquer sans aucune entrave quel que soit le support (…).
Ainsi cette loi autorise, donc, au congolais d’utiliser n’importe quel support pour exercer son droit d’informer, d’être informé et sa liberté d’opinion…
Et puisque Internet est un outil incontournable dans la diffusion de l’information et pour la communication, le congolais fait appel à ce dernier pour jouir paisiblement de ces droits.
En effet, le droit à l’accès à l’information par les autoroutes de l’information est indispensable tant en aval pour l’utilisateur qu’en amont pour l’entreprise. La réception de l’information passe alors par un droit d’accès à l’information pluriel, efficient et démocratique.
Quid des textes internationaux ?
Plusieurs textes juridiques internationaux consacrent la liberté et le droit à la réception de l’information. Il s’agit, entre autres, de l’article 19 de la déclaration universelle de droits de l’homme ainsi que d’autres textes juridiques régionaux.
Ainsi sans droit à la réception de l’information ni droit d’accès aux autoroutes de l’information on ne peut pas parler du droit à l’information.
Et au vu de ceux-ci, la coupure de l’accès à l’Internet constitue une restriction du droit à l’information par l’État congolais.
Quel cadre juridique national de postes, télécommunications et Tic en RDC ?
Le secteur congolais de poste, télécommunications et des Tic est régi par :
La loi N°012/2002 du 16 octobre 2002 sur la poste ;
La loi N°013 /2002 du 16 Octobre 2003 sur les télécommunications en RDC ;
Et la Loi N°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’autorité de régulation de la poste et des télécommunications.
L’article 3 point i assigne pour mission à l’autorité de régulation de postes et télécommunications d’assurer que les citoyens bénéficient de services fournis à l’aide de nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Dans son communiqué officiel, le ministre de Postes, télécommunications et Ntic, Emery Okundji fonde son droit de restriction sur les prescrits de l’article 46 de la loi N° 012/2002 du 16 Octobre 2002 sur la poste. Une loi qui apparemment n’a que 40 articles. Aurait-elle dans l’entre-temps fait l’objet d’une révision ?
Somme toute, le droit à l’information constitutionnellement garanti pour exercice a besoin d’autres libertés telles la liberté d’expression, liberté d’opinion, la liberté d’accéder aux autoroutes de l’information sans entrave et la liberté de recevoir les informations qu’on désire.
La coupure de l’accès à l’Internet qui intervient souvent à la veille des manifestations politiques de l’opposition apparaît plus dans ce cas comme une stratégie politique pour le pouvoir en place afin d’étouffer les libertés d’expression et d’opinions politiques et de restreindre le droit d’informer et d’être informé reconnu à tout congolais.
Bien que l’autorité publique évoque souvent l’argument de la protection et du maintien de l’ordre public, un argument qui apparaît pour nous comme une forêt qui cache derrière elle plusieurs arbres car le respect des Libertés publiques fait également parti des éléments constitutifs de l’ordre public, violer le droit reconnu au citoyen c’est aussi troubler l’ordre public, car le citoyen sera obligé d’exiger réparation.
Et que dire des préjudices divers causés par cette restriction d’accès à l’Internet ? Des consommateurs abusés et laissés pour compter sans possibilité de réparation. Que dire des pertes subies par les fournisseurs d’informations voire les fournisseurs d’accès à l’Internet ou ISP ?
L’État congolais sera-t-il un jour disposé à réparer tous les dommages causés ? En sera-t-il capable ?
Merphy Pongo