RDC : Recul, stagnation ou avancées du processus de démocratisation ?

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19 décembre 2016-19 décembre 2017, jour pour jour Joseph Kabila totalise un an au pouvoir sans mandat électif.

Dans son essence, une constitution traduit une rupture avec le passé en même temps qu’elle fait une projection vers l’avenir.  Elle constitue pour tout peuple un manifeste qui répudie certaines pratiques autocratiques pour exalter des valeurs.

 

Ainsi la Constitution congolaise du 18 février 2006, a permis une rupture avec 35 ans de règne dictatorial de Joseph Mobutu, 3 ans de règne totalitaire de Laurent-Désiré Kabila et 4 ans de crise de contestation de la légitimité des institutions ainsi que de leurs animateurs depuis la cooptation de Joseph Kabila comme chef de l’État au lendemain de la mort de Laurent-Désiré Kabila.

 

Cette même constitution fait également les projections pour l’avenir en optant pour le suffrage universel comme seul moyen d’obtention, de conservation, d’exercice et de retrait du pouvoir.

 

Pour traduire une rupture avec le règne dictatorial, la constitution congolaise instaure un verrouillage du mandat du président de la république, en faisant une limitation en nombre (5 ans) et dans le temps (renouvelable une seule fois). Pour instaurer et pérenniser un gouvernement légitime, la constitution du 18 février 2006 consacre la régularité du cycle électoral en 5 ans.

 

Et pour épargner le pays des coups d’États constitutionnels, la constitution institue le verrouillage des dispositions dites intangibles expresses et non expresses. Et pour décourager le coup d’État militaire ou autres, la constitution qualifie d’infraction imprescriptible toute tentative de renversement d’un gouvernement issu des urnes.

 

Et pour éviter le maintien au pouvoir au-delà du mandat constitutionnel, la constitution reconnait la possibilité pour le peuple de faire échec par tous les moyens légitimes à individu ou groupe d’individus, qui prennent, exercent ou conservent le pouvoir en violation de la constitution, c’est à dire en violation de mandat électif.

 

Elu en 2006 puis réélu en 2011, le deuxième et dernier mandat électif de Joseph Kabila devrait expirer le 19 décembre 2016 (conformément à la théorie d’investiture et des investiture).

 

Concrètement en 2016 la RDC devrait connaitre sa première passation démocratique, pacifique et civilisée du pouvoir entre le président entrant et le président sortant. Malheureusement, faute de la non tenue des élections, cette obligation constitutionnelle ne s’est pas exécutée.

 

Joseph Kabila, une année de plus sans mandat électif

 

Une certaine opinion pense que Joseph Kabila devrait rester président jusqu’à l’installation du nouveau président élu (après le 28 décembre 2018 d’après le calendrier de la Centrale électorale). Cette opinion se fonde sur l’arrêt de la cour constitutionnelle relative à l’interprétation de l’article 70 de la constitution.

 

Oubliant que l’interprétation de la constitution est tout d’abord un acte de connaissance et un acte de volonté. Car si l’on fait l’interprétation a Rubrica des articles 73 et 70 de la constitution, il se révèle que l’article 73 fait obligation à la CENI de convoquer le scrutin présidentiel 3 mois avant l’expiration du mandat du président en fonction soit 90 jours. Ce qui revient à dire que pendant ces 90 jours on fera appel à l’alinéa 2 de l’article 70 qui voudrait que le président en fonction reste en place.

 

Concrètement, entre le jour de la convocation du scrutin présidentiel et le 90ème ou dernier jour d’expiration du mandat du président en fonction, c’est lui qui reste encore président.

Illustrons cela par le cas américain où Donald Trump fut élu en août 2016 et est entré en fonction en Janvier 2017. Pendant cet intervalle, c’est Barack Obama qui est resté président en fonction.

 

Donc conformément à la constitution congolaise, cet intervalle était compris entre le 19 septembre et le 19 décembre 2016).

 

La nature juridique de l’alinéa 2 de l’article 70 de la constitution est une disposition transitoire, car elle consacre un régime de gestion des affaires courantes pendant l’intervalle de 90 jours partant de la convocation du scrutin présidentiel à l’investiture du nouveau président élu.

 

Cet alinéa ne consacre pas, par contre, ce que certains qualifient de prolongement de la fonction présidentielle, car cette dernière est déjà inscrite dans un encadrement juridique découlant d’une logique constitutionnelle d’investiture, de la desinvestiture et des mesures transitoires pendant de l’élection du nouveau président à son installation.

 

Contrairement à d’autres constitutions, comme celle Haïtienne, par exemple, qui exige au président en fonction de démissionner 90 jours avant la convocation du scrutin présidentiel lorsque ce dernier est candidat à sa succession, c’est le président de la chambre parlementaire qui assume cette période transitoire allant de la convocation du scrutin présidentiel jusqu’à l’installation du nouveau président élu.

La constitution congolaise a, quant à elle, voulu que ça soit au même président en fonction de gérer les affaires courantes pendant l’intervalle de 90 jours.

 

La cacophonie entretenue par la Majorité présidentielle avec la bénédiction de la cour constitutionnelle a fait que la crise de contestation de la légitimité des institutions ainsi que de leurs animateurs refassent surface. Car 11ans après la promulgation de la constitution les institutions issues des élections n’ont pas été renouvelées, le cycle électoral a été interrompu, ramenant ainsi le pays en arrière avec la crise de légitimité des institutions ainsi que leurs animateurs ce qui a constitué un recul quant au processus de démocratisation de la RDC.

 

Pourtant, l’élan démocratique était déjà pris. Il fallait, alors, le consolider ! Ce qui n’a pas été le cas, car pour gérer l’après interruption du cycle électoral les congolais étaient obligé de revenir sur la table de négociations passant de rounds en rounds de dialogue jusqu’à la signature de l’accord de la Saint Sylvestre censé aider le pays à faire un retour à l’ordre constitutionnel préétabli dans un bref délai. Mais hélas !

 

Censé s’appliquer dans l’intervalle d’une année, cet accord connait un glissement, souffre dans son application car chaque partie ne veut l’appliquer que dans les dispositions qui lui sont favorables.

 

A l’allure où vont les choses, si Joseph Kabila totalise deux ans à la tête du pays sans mandat électif à côté d’autres institutions politiques illégitimes le pays risque d’être plongé dans la crise profonde ce qui remettrait en cause tous les efforts consentis dans la démocratisation.

 

La force sera, alors, perçue comme moyen de conservation et d’exercice du pouvoir ou moyen d’accession au pouvoir.

 

Joseph Kabila est resté pendant toute une année au-delà de son mandat électif dans un pays dit démocratique c’est inexcusable, y resté encore pendant deux ans est une entorse à la démocratie et constitue même un coup d’État constitutionnel, comme l’avait qualifié la cour africaine de Droits de l’homme dans l’affaire Mtikila contre la Tanzanie « Se maintenir au pouvoir au-delà du mandat constitutionnel est un coup d’État constitutionnel et une violation de Droits de l’homme ».

 

Merphy pongo, Chercheur en Droit public

Membre du collectif de Jeunes pro changement

1 Comment

  1. Les acteurs politiques ( MP et la Ceni) pensent tout maitriser alors que l’opposition congolaise s’avère jusqu’alors faible et fissurée… Les jeunes doivent, plutôt k courrir derrière ceux qui les manipulent, réfléchir sur la personne qu’ils doivent mettre au pouvoir, pck on ne doit pas non plus laisser n’importe qui prendre la chair de la présidence….

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