Vous êtes-vous déjà demandé si votre lieu de naissance avait une influence sur vos chances de réussite dans la vie ? Si une naissance est déjà un petit miracle en soi, un être humain sur dix seulement naît dans la relative sécurité d’un pays à revenu élevé. Imaginez que vous soyez né au Niger ou en République démocratique du Congo (RDC)… Avant même de savoir marcher ou parler, votre vie sera un véritable parcours du combattant. Parce qu’en dépit des progrès, les enfants nés dans ces deux pays ont vingt fois plus de risques de mourir avant leur cinquième anniversaire que ceux nés dans l’Union européenne — et pratiquement dix fois plus que les petits Chinois.
Vous avez survécu ? Une autre menace majeure plane alors sur votre développement : la malnutrition. Au Niger comme en RDC, quasiment un enfant sur deux souffre d’un retard de croissance. Or, parce qu’ils entravent le développement physiologique et mental des jeunes enfants et les exposent davantage aux maladies, les retards de croissance ont des conséquences négatives profondes et durables sur leur épanouissement.
En affaiblissant directement la prochaine génération et en fragilisant ses capacités, la malnutrition infantile a pour conséquence de compromettre les autres initiatives engagées pour réduire la pauvreté. La lutte contre la malnutrition infantile et ses causes pourrait donc logiquement devenir une priorité fédératrice dans des pays pré-émergents qui, comme le Niger et la RDC, sont confrontés à de multiples défis de développement. La faiblesse de l’espérance de vie, le fort analphabétisme ou la médiocrité de la productivité : tous ces problèmes sont liés et aggravés par la malnutrition.
Dans les deux pays, l’eau et l’assainissement font partie des principales causes de malnutrition. Des analyses récentes entreprises dans le cadre du Diagnostic de la pauvreté et de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiènerévèlent le taux inacceptable de contamination fécale de l’eau potable au Niger et en RDC ainsi que l’influence déterminante de la mauvaise qualité de l’eau sur la situation nutritionnelle.
En RDC, plus des deux tiers des échantillons prélevés, même aux points d’eau ayant bénéficié d’améliorations techniques, sont contaminés par des matières fécales. L’expression « eau améliorée » désigne des sources d’eau potable construites de manière à éviter toute contamination, à l’instar par exemple des puits couverts et équipés de pompes manuelles ou des réseaux de conduites d’eau. Pendant de nombreuses années, la présence de sources d’eau améliorée a constitué l’objectif fondamental des interventions et le principal indicateur pour vérifier l’accès à l’eau potable des populations. Mais, comme le révèle le diagnostic réalisé en RDC, un grand nombre de sources améliorées ont fini par être contaminées… quand l’eau n’est pas polluée par les usagers pendant le transport ou le stockage à la maison.
Dans certaines villes de province et zones rurales de RDC, pratiquement toutes les sources d’eau potable, y compris les conduites, sont contaminées. Au Niger, pays essentiellement rural, où les indicateurs d’eau, d’assainissement et d’hygiène restent médiocres et où la plupart des habitants pratiquent toujours la défécation à l’air libre (plus de 70 % à l’échelle du pays et plus de 90 % en zones rurales), cette situation hydrique dramatique est encore aggravée par une forte variabilité climatique qui, lors des inondations ou des sécheresses, augmente les risques de contamination.
Le diagnostic réalisé par la Banque mondiale réunit de nouveaux éléments prouvant que
et, ce faisant, augmente leurs chances de s’épanouir pleinement. Un constat qui souligne l’importance des nouveaux Objectifs de développement durable (ODD) qui visent à assurer l’accès à des points d’eau véritablement sûrs — une ambition vitale par rapport aux simples améliorations techniques (comme la couverture des puits ou la pose de conduites) voulues par les objectifs du Millénaire pour le développement. « Améliorer » l’eau ne suffit pas. Car l’on voit bien que l’eau polluée provenant de sources pourtant améliorées fait partie intégrante des problèmes rencontrés dans des pays pré-émergents comme le Niger et la RDC.Selon le diagnostic réalisé en RDC, à peine 4 millions de Congolais (sur un total de 80 millions d’habitants) ont accès à une eau gérée en toute sécurité, c’est-à-dire à une alimentation à domicile avec une eau de qualité disponible à la demande. Ce que la plupart des pays développés tiennent pour acquis y reste encore une exception. La situation est encore plus critique en ce qui concerne l’accès à des services d’assainissement gérés en toute sécurité (un autre indicateur des ODD) : le pays ne dispose même pas d’une usine sûre de traitement et d’élimination des eaux usées. La construction d’infrastructures ne parviendra pas, à moyen terme, à résoudre ces besoins gigantesques.
Pour le Niger comme pour la RDC, le diagnostic insiste sur la nécessité urgente de s’atteler aux besoins des populations isolées, à travers des solutions sans infrastructure, axées sur le traitement de l’eau au point d’utilisation. Ces solutions consistent notamment à faire bouillir l’eau, utiliser des filtres ou encore des comprimés de chlore. Les enfants seraient ainsi mieux protégés et moins exposés aux diarrhées, aux inflammations chroniques de l’intestin et aux infestations de parasites, qui contribuent à la malnutrition. L’analyse souligne également l’importance des normes et des comportements pour garantir un traitement de l’eau systématique et non pas seulement ponctuel en cas de flambée épidémique (de choléra par exemple), ce qui passe par un travail de sensibilisation auprès d’un maximum de ménages.
Il faut de toute évidence faire preuve d’ambition. Heureusement, les ODD placent la barre suffisamment haut pour planifier les infrastructures de long terme indispensables pour remédier aux carences de fond. Mais dans des pays pré-émergents comme le Niger et la RDC, ces visées à long terme doivent aller de pair avec des interventions concrètes plus immédiates afin d’améliorer dès aujourd’hui la qualité de l’eau, pour protéger les enfants et les aider à déjouer les pronostics.
Il y a une vingtaine d’années, la chanson « Être né quelque part » nous rappelait que la naissance est une loterie : personne en effet ne choisit « les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger pour apprendre à marcher ». Plus que jamais, nous devons réitérer notre engagement à faire en sorte que chaque nouveau-né démarre sa vie en toute confiance et fasse ses premiers pas en toute sécurité. Cela passe impérativement par l’accès à une eau potable sûre.
Maximilian Leo Hirn HIRN et Aude-Sophie Rodella
En savoir plus sur cette étude : http://blogs.worldbank.org/nasikiliza/fr/se-lancer-dans-un-marathon-avec-une-cheville-cassee-comment-les-problemes-deau-et-dassainissement