La répression du 16 février 1992 : Devoir de mémoire, obligation de conscience

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« De janvier à avril 1992, une chaîne d’actions de désobéissance civile est menée à Kinshasa et dans certaines villes des régions, notamment à Lubumbashi, à Kisangani, à Matadi, à Kananga, à Mbuji-Mayi, à Kikwit, à Goma afin de contraindre le gouvernement à revenir aux bons sentiments. Ces actions de protestation publique connaissent le paroxysme et la tragédie le dimanche 16 février 1992 lorsque des forces de répression massacrent les chrétiens de Kinshasa, en processions pourtant pacifiques à travers les artères de la capitale », a relevé, dans le texte du rapport final des travaux de la Conférence Nationale Souveraine, son rapporteur général, Maître Kinkela Vi Kans’y.

 

Tout a commencé le 19 janvier 1992, lorsque, contre toute attente, la Conférence Nationale fermait ses portes. Jean Nguz a Karl-I-Bond est en ce moment à la tête du gouvernement. Bien évidemment, le rôle joué par cette personnalité connue pour son instabilité politique ne sera jamais assez souligné.

 

Il était en effet plus que temps de mettre un terme à ce qui apparaissait aux yeux du Chef de l’Etat comme une réunion dont l’unique motivation aurait été de le livrer à la vindicte populaire.

 

Du fait de cette fermeture, les travaux de ce forum national, qui avait pour mission, note kikassa, d’« élaborer la Constitution de la transition, celle de la IIIème République, la Loi électorale, faire la relecture de l’histoire du pays, l’analyse des raisons d’échec des pouvoirs en place afin d’en établir les responsabilités individuelles ou collectives et surtout arriver à la réconciliation nationale qui est un préalable à la reconstruction nationale », ont logiquement été suspendus.

 

Pourtant, dans l’opinion nationale, l’idée de tourner cette page sans que des options claires ne soient prises pour engager le pays dans la voie de la démocratie et de son relèvement ne pouvait en aucune manière passer. Tous, à l’exception de la mouvance présidentielle, se sont coalisés pour que les 2850 participants de la CNS reprennent du service.

 

Des morts pour la réouverture de la CNS

 

La marche des chrétiens, là aussi initiée par les laïcs catholiques, avait pour objectif d’obtenir la réouverture de la Conférence Nationale. Cette manifestation publique et non violente organisée le 16 février 1992 a été réprimée dans le sang. De nombreux Zaïrois sont tombés sous les balles de la soldatesque de l’aigle de Kawele.

 

Ces Zaïrois  n’auront pas été tués pour rien, car leur voix a été entendue. Le pouvoir a finalement entendu raison et la Conférence Nationale ouvrit de nouveau ses portes le lundi 6 avril 1992, avec la tenue de la séance plénière présidée par Monseigneur le Président, Mosengwo Pasinya. Une preuve de plus de l’efficacité des actions non violentes et initiatives citoyennes.

 

Des similitudes avec les répressions actuelles

 

Aujourd’hui encore, les chrétiens catholiques se sont levés, cette fois-ci pour obtenir l’application effective et intégrale de l’Accord de la Saint Sylvestre, la décrispation du climat politique et des garanties que Joseph Kabila ne briguera pas un autre mandat.

 

Comme il y a 16 ans, les marches organisées par des laïcs depuis plus d’un mois, avec le soutien de l’épiscopat en général et celui du Cardinal Mosengwo en particulier, font l’objet des répressions du pouvoir. Malgré ces répressions d’une rare brutalité, y compris dans les lieux de culte, la mobilisation ne faiblit pas. Des dimanches de mobilisation qui n’ont pas fini de livrer leur secret.

 

Maintenant que les prêtres du diocèse de Kinshasa, principal foyer intellectuel, voire spirituel, de la contestation, promettent de porter le combat au niveau mystique, eh bien, la lutte va se corser davantage. Les couleurs sont d’ores et déjà annoncées et il n’est pas excessif de penser qu’une fois de plus la voie pacifique aura raison de la répression sauvage.

 

Cela arrivera tôt ou tard, car la volonté populaire l’emporte toujours face à la cruauté des dirigeants mus par des intérêts mesquins. Le pouvoir pour le pouvoir. Pour tout dire, le pouvoir contre le peuple meurtri, mais manifestement déterminé,aujourd’hui plus qu’hier,à prendre son destin en mains.

 

JPD Libaku

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