Les débuts du ministre de la Justice, Constant Mutamba, furent salués comme une aube nouvelle. Son entrée en fonction avait insufflé un vent d’espoir, marquant une détermination affichée à combattre les anti-valeurs et à restaurer l’éthique au cœur de l’État.
Ses premières actions, empreintes d’une rigueur inattendue, avaient envoyé des signaux forts, au point de s’attirer l’admiration et le soutien de toutes parts. On louait son audace, sa volonté de bousculer les habitudes, de rompre avec l’impunité. On croyait, enfin, en un homme qui mettrait ses pas dans ceux de la justice, avec constance.
Hélas, le tableau est aujourd’hui bien sombre. Le voilà pris au piège de ses propres principes, pêchant grossièrement contre les règles qu’il était censé faire respecter.
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Ciglant rappel à l’ordre de l’Assemblée nationale
La commission spéciale de l’Assemblée nationale vient de le rappeler à l’ordre, proposant l’autorisation de poursuites à son encontre ; et la plénière, après avoir jugé le rapport recevable, s’apprête à débattre d’une litanie de griefs accablants.
Ce constat est d’autant plus dramatique que le ministre Mutamba sera jugé en circonstances aggravantes. Premièrement, parce qu’en tant que juriste de formation, et sans doute de carrière, il se devait de respecter scrupuleusement la procédure. Les juristes le savent, et le rappellent avec force : « la forme tient le fond en état. »
L’absence d’autorisation du gouvernement, l’inexistence du bureau de la société incriminée, le non-dépôt des documents à la DGCMP pour l’obtention de l’avis de non-objection, sont autant de violations flagrantes des règles élémentaires. Un homme de loi, plus que quiconque, devrait être le garant de la légalité, pas celui qui la piétine.
Deuxièmement – et c’est là le plus grand des paradoxes – en tant que ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba est l’épine dorsale de la lutte contre les antivaleurs, parmi lesquelles le vol et le détournement, surtout des deniers publics. Or, les faits lui reprochés sont plus qu’, voire étourdissants : un montant exorbitant de paiement au-delà de 30 %, un paiement effectué dans un compte privé et non séquestre, la pression exercée sur une directrice générale ad interim pour obtenir une autorisation spéciale et j’en passe…
La commission est catégorique : les éléments de détournement sont réunis, les indices sérieux de culpabilité établis. A l’en croire, le détournement a eu lieu au moment où la somme a quitté le compte du Gouvernement vers un compte privé.
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Décevante inconstance de Constant
Cette inconstance choquante dans la lutte contre les fléaux qu’il était censé éradiquer donne à croire, avec une amère ironie, qu’il n’a pas été Constant. Oui, constant n’est pas Mutamba. Bien au contraire, son cheminement semble s’être égaré dans les méandres de pratiques qu’il s’était engagé à combattre. Le nom qu’il porte, « Constant », résonne aujourd’hui comme une cruelle antithèse de son action. L’aube nouvelle s’est transformée en un crépuscule inquiétant pour la justice.
Si cette situation aboutit à sa démission ou à sa révocation, il deviendrait le deuxième membre du gouvernement Suminwa à quitter ses fonctions, après Stéphanie Mbombo Muamba, ministre déléguée près la ministre de l’Environnement, chargée de l’économie et du climat, qui a démissionné mardi 18 juin 2024 pour convenance personnelle.
Il sera également le deuxième ministre de la Justice, sous l’ère du président Félix Tshisekedi, à être confronté à une telle situation, après Célestin Tunda ya Kasende, originaire de la même province de Lomami. Un triste précédent pour un portefeuille aussi stratégique.
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Rigobert Mukendi

