Kinshasa: alors qu’on attend les élections municipales, Ngobila nomme des nouveaux Bourgmestres

share on:

Depuis la promulgation de la constitution du 18 février 2006 et sa révision en 2011, la République démocratique du Congo a opté pour la décentralisation comme mode de gestion des entités territoriales décentralisées.

Partant de la lecture minutieuse de l’article 3 de la constitution il est loisible de noter que La République démocratique du Congo a d’un Côté l’État, les entités territoriales décentralisées et, de l’autre, des entités politiques.

L’Etat est représenté par l’exécutif, les entités territoriales décentralisées (ETD) sont désignées par les villes, les communes, les secteurs et les chefferies. Et les entités politiques en RDC sont désignées par les Provinces.

Une disposition constitutionnelle que semble ignorer le nouveau gouverneur de la Ville de Kinshasa. Ce dernier a intentionnellement violé la constitution en nommant, ce 16 août, des nouveaux Bourgmestres.

.

Donner plus de pouvoir de choix et de contrôle au peuple

Cette forte décentralisation des entités territoriales a pour finalité de rapprocher l’administration des administrés. Autant qu’elle permet de faire participer le peuple directement à la gestion de la chose publique. D’où l’impératif de l’élection des animateurs des entités territoriales décentralisées ( Bourgmestre, Maire de la ville, chef de secteur et chef de chefferie) au suffrage universel indirect.

En effet, comme disait Alexis Tocqueville, la décentralisation est une école de la démocratie. Le fait pour la constitution d’imposer à ce que les bourgmestres et maires de ville soient élus par le peuple permet de construire la démocratie depuis la base.

C’est ainsi qu’en octobre 2008 ,le parlement congolais a pris une loi portant Composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées pour venir matérialiser le vœu de l’article 3 de la constitution.

Mais depuis le cycle électoral de 2006, les élections municipales et locales n’ont jamais eu. Plusieurs raisons politiques ont été évoquées.

Pourtant, avec le cycle électoral de 2018 toujours pendant, le peuple attendait élire ses bourgmestres, maires de ville, chefs de secteurs. Car les élections municipales et locales ont été prévues pour ce mois de septembre 2019, selon le calendrier de la CENI encore en vigueur.

.

Le Gouverneur n’a pas le pouvoir de nommer de Bourgmestres

En Droit public, les compétences sont d’attribution. Toute autorité administrative est incompétente tant qu’aucune loi ne lui confère un pouvoir.

La loi de 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées bénéficie de l’écran constitutionnel.

Elle est prise dans le sillage de l’article 3 de la constitution qui reconnait la décentralisation comme mode de gestion des entités territoriales décentralisées. Et stipule dans ses articles 5-9 que les animateurs des communes, des mairies, des secteurs …doivent être élus par des conseillers municipaux, conseillers communaux et conseillers urbains.

Cette même loi établit les rapports entre l’État, les provinces et les entités territoriales décentralisées.

Pour cette loi , les animateurs des entités territoriales décentralisées, représentent l’État et les provinces dans leurs entités. Ainsi dans le rapport entre les provinces et les entités territoriales décentralisées, les articles 95-99 de la loi de 2008 imposent le contrôle de tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées.

Ce contrôle de tutelle est a priori et à posteriori. Et il concerne les matières clairement précisées dans la loi. Ce, pour assurer la libre administration des entités territoriales décentralisées.

.

Un acte provincial qui doit être isolé

Notons que depuis l’avènement de l’État de droit constitutionnel, aucun acte du gouvernant ne bénéficie d’un régime d’impunité.

La consécration de la constitutionnalisation et légalisation des actes administratifs des autorités administratives est une garantie forte contre l’arbitraire et l’anarchie.

Ainsi donc à l’etat actuel du Droit positif congolais, tout acte administratif pris par un gouverneur portant nomination ou destitution d’un bourgmestre ou maire de la ville est nul et de nul effet. Car, il viole la loi de 2008 et ne bénéficie donc pas de l’écran législatif.

Par ricochet, tout acte administratif du gouverneur portant nomination ou destitution d’un bourgmestre ou maire de la ville viole également la constitution dans son article 3.

.

Que faire pour éviter que tel acte se généralise?

Il est vrai que le processus électoral déjà entamé est dans l’impasse quant à ce qui est de la tenue des élections municipales et locales, non seulement parce-que l’actuel bureau de la CENI est dans l’illégalité mais aussi et surtout il manque une réelle volonté politique.

La cour constitutionnelle étant le lubrifiant des institutions, elle est appelée à sauver le processus électoral qui est dans l’impasse pour éviter une interruption de fonctionnement de l’État.

Le Président de la République étant garant du fonctionnement régulier des institutions peut donc saisir la cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur le processus électoral encours. Et autoriser ainsi à l’exécutif de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter la continuité de l’État.

Car à défaut de la tenue des élections municipales et locales, tout acte administratif intervenu en dehors de ce mécanisme constitutionnel est nul et de nul effet en Droit.

.

Merphy PONGO
Avocat et Chercheur en Droit Public
Whatssap: +243815762731

Leave a Response

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.