Le débat sur l’alternance démocratique irrigue depuis quelques années le cœur du fonctionnement des systèmes politiques en Afrique il a pris des proportions au point que la question de la succession des dirigeants africains continue d’alimenter la doctrine constitutionnelle africaine et surtout les sociétés civiles Africaines.
La RDC n’en fait pas exception… Le constat qui se dégage après plus de deux décennies de pratique démocratique, est que la transmission du pouvoir politique n’obéit pas toujours aux prescriptions constitutionnelles. Elle continue d’être influencée par des procédés illégaux qui traduisent une anormalité de la vie politique et constitutionnelle faite de flux et de reflux de continuité et de rupture, de permanence et de mutations.
En RDC depuis 2014 avec la sortie de l’ouvrage « Entre la Révision de la Constitution et l’inanition de la Nation d’Évariste Boshab Membre de la MP, notre pays a connu 4 ans de périodes de tumultes. De flux et reflux quant au mystère Kabila partira ou partira pas.
Plusieurs théories ont été inventées pour justifier l’éligibilité de Kabila de l’autre côté des contres théories ont été soulevées pour rejeter cette éligibilité au regard du Droit positif congolais. Au Finish à la surprise générale Kabila désigne mercredi 08 août Shadari Ramazani Emmanuel comme son Dauphin. Visiblement, il ne sera pas candidat à sa propre succession.
Une étape importante vers la première transmission pacifique et civilisée du pouvoir entre le président entrant et le président sortant. Mais aussi une voie ouverte vers la réalisation de l’alternance démocratique en RDC.
Faut t-il craindre une révolution de palais en RDC ?
Dans le lexique des termes juridiques, la révolution de palais n’est rien d’autre que la succession du pouvoir ou transmission du pouvoir au sein d’un même camp politique, c’est à dire on change d’individus et non de système car il demeure le même.
Avec la désignation de Shadari comme dauphin tout laisse croire que Kabila fera de son mieux et usera de son pouvoir pour que son candidat passe.
Doit-on s’attendre à une parodie d’élections le 23 décembre 2018?
Plusieurs éléments peuvent pousser à croire qu’à l’état actuel du processus électoral, aller aux élections c’est cautionner la fraude électorale déjà préparée en amont par le régime en complicité avec la CENI.
Ces éléments sont :
1. La « très » contestée Machine à voter. Avec cette machine présentée par la CENI comme une machine pour imprimer les bulletins, le principe du vote secret n’est pas garanti.
Pourtant, ce principe constitue le fondement d’un vote. Le fait qu’il ne soit pas garanti entraînerait certainement un risque de violation du secret de vote. D’autant plus que certains choix rendus publics peuvent influencer le choix des autres votants.
Par ailleurs, on se pas trop bien comprendre en cas d’un contentieux électoral, entre les résultats issus de comptage des bulletins imprimés et les résultats affichés par la machine, qu’est-ce qui prime l’autre ?
2. Fermeture de l’espace public. L’espace public entendu comme un lieu où se discute les questions qui touchent à la gestion de la chose publique ou une forme de prise de pouvoir public par l’opposition, mouvements citoyens ainsi que l’opposition politique est muselé par le pouvoir.
C’est état de chose ne garantit donc pas la concurrence électorale. Car bien que le pluralisme politique soit garanti par notre constitution, le pouvoir ne veut pas reconnaître l’opposition comme acteur essentiel prenant part au jeu politique démocratique.
Il suffit de voir comment la police nationale congolaise et l’armée sont déployées lors des activités de l’opposition ( dépôt de candidature de Félix, retour de Bemba, retour bloqué de Katumbi en Zambie) et des mouvements citoyens pour se rendre compte de la discrimination des droits de l’opposition.
Vraisemblablement cette réalité remet en cause l’égalité même des acteurs du jeu politique et rend irrégulier le processus électoral censé supposer un cadre normatif qui met tous les candidats dans les mêmes conditions de compétition.
3. Restriction des libertés publiques. Certaines libertés (Liberté de manifestation, liberté d’expression, liberté d’aller et venir, liberté de la presse…) connaissent une très grande répression à l’heure de l’incertitude politique en RDC.
Plusieurs chaînes et médias traditionnels (Rtnc, Digital Congo, Tele50, ACP…) sont verrouillés par le pouvoir et aucun message contestataire ne peut passer sur ces médias. Les Médias publics ont été transformés en plateformes médiatiques des propagande et marketing politique des activités du pouvoir ainsi que la visibilité de leurs Candidats.
4. Un environnement politique non assaini. L’environnement politique actuel est dominé par un regain de tension et méfiance entre l’opposition et le pouvoir ne permettant pas d’aller aux élections. Plusieurs mesures de décrispation bien que convenues n’ont jamais été exécutée.
5. L’indépendance contestée du Président de la CENI. Corneille Nangaa censé être arbitre du jeu démocratique semble plus transformé en caisse de résonance des décisions de la Majorité présidentielle. Non difficile ouvert aux opinions contraires, il demeure concentré sur ce qu’il croit être bon et va jusqu’à déclarer que son rôle n’est pas de créer un climat de confiance mais juste d’organiser les élections.
6. 16% des électeurs sans empreinte. D’après l’audit de l’OIF plus de 16% d’électeurs n’ont pas d’empreintes ainsi pour la crédibilité du fichier électoral en cours ..ces 16% devraient être élagués.
Mais jusqu’à ces jours manifestement Nangaa ne veut pas élaguer ces 16% à qui donc cela profite?
En régime démocratique, les systèmes politiques se présentent comme devant abandonner les procédés autoritaires d’accession au pouvoir pour épouser les contours de la compétition électorale.
Si ces craintes soulevées ci haut sont balayées par une réponse rapide de Joseph Kabila, qui du reste détient encore la clé de la fiabilité du processus électoral en cours, le peuple est appelé à rester vigilant et entreprendre des actions de terrain de grande envergure pour pousser le pouvoir jusqu’à son dernier retranchement enfin qu’on ait en décembre des élections libres, justes et transparentes pour le bien être du peuple.
Merphy Pongo