Élections 2018: Le fichier électoral à l’heure de l’autopsie

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Bureaux de vote Kinshasa

Le rapport final de l’audit du fichier électoral par l’OIF sera rendu public aujourd’hui mardi le 19 juin. À ce niveau, il est question de faire un état de lieu du fichier électoral.

Le processus électoral est déjà très avancé. Les formulaires des candidatures sont déjà disponibles aux BRTC. Mais plusieurs questions se posent sur la fiabilité ou non de ce fichier. Chacun y va de ses accointances.

Une autopsie d e ce  fichier s’avère donc nécessaire. Surtout, au regard des dernières révélations sur les points forts et les points faibles de ce fichier.

 

Points forts du fichier électoral

Nonobstant les doutes émis par une grande partie de l’opposition et de la société civile, le fichier électoral actuel a connu beaucoup d’améliorations. Il se distingue nettement de son prédécesseur de 2010-2011. Ce qui est un grand pas.

Il y a d’abord l’amélioration du cadre juridique de l’enrôlement. Il a permis de renforcer le droit à un recours effectif, les prérogatives de la CENI et de ses démembrements.

Les membres des centres d’inscription ayant commis d’irrégularités peuvent être réprimé grâce à un régime répressif. C’est fut le cas lors de l’enrôlement où des chefs de centre et des agents ont été suspendus puis poursuivi en justice pour fraude.

Le fichier électoral a permis une nette évolution positive du cadre réglementaire. Ce qui a permis à la CENI de mieux encadrer les activités d’enrôlement et d’identification des électeurs.

Les jeunes majeurs ont été inscrit de manière anticipée afin de garantir leur droit de vote sur le processus en cours. C’est aussi l’un des points forts du nouveau fichier électoral.

Ce fichier a un caractère incisif. Il a un taux de couverture de la population électorale estimée à 90,2% selon les projections de l’Institut National des Statistiques.

Plusieurs autres atouts sont aussi à mettre à l’actif de ce fichier électoral. Il y a notamment: la stabilité du taux d’inscription par province et la représentativité des populations électorales estimées dans ces provinces.

Ainsi, chaque électeur est rattaché à un centre d’inscription qui deviendra son centre de vote. La centralisation par le fichier électoral des données collectées. Ce qui est une marque de leurs inclusivités.

Un autre point fort et non le moindre est la complétude des données. Elle est établie à 99,93% pour les dates des naissances. 99,99% pour les pièces d’identité ou d’une reconnaissance par témoignage. Il y a aussi 99,98% des photographies des demandeurs. Enfin, 99,71% des formulaires d’inscription y sont rattachées et 83,4% des cas, les empreintes ont été collectées.

Deux autres points à mettre à l’actif de ce fichier est le faible niveau des doublons résiduels. C’est la résultante des efforts entrepris par la CENI pour radier 7 millions d’électeurs inscrits indûment dont les mineurs et des inscriptions multiples.

Enfin, la performance du matériel d’enrôlement et la bonne gestion de stocks des matériels et des cartes d’électeurs.
Il y a aussi le déploiement rapide du matériel dans les différentes provinces et même dans les zones sensibles du Kasaï et de Béni. Tout cela est à mettre à l’actif de la logistique de la CENI qui est très appréciable.

 

Faiblesses du fichier électoral

A chaque médaille, son revers. Le fichier électoral ne manque pas des faiblesses. Ci dessous, nous allons énumérer quelques unes.

Il convient de noter que le fichier électoral a été créé sans la présence notoire d’un système d’état-civil et de recensement de la population. Ce qui est un obstacle majeur et une voie pour les fraudes multiples.

Le caractère peu fiable de certaines pièces d’identité reconnues comme preuve d’identité notamment les cartes d’étudiant et d’élève.

Les dispositions transitoires de la loi ont permis aux détenteurs des cartes d’électeurs 2010-2011 de se réinscrire automatiquement. Pourtant, le fichier électoral 2010-2011 était entaché de beaucoup d’irrégularités.

Il faut mentionner aussi les écarts importants entre les taux annoncés par la CENI et les taux réels lors de la communication des pourcentages par province. Cette situation a créé autant des remous auprès de la population en général et des acteurs politiques en particulier. L’on se rappellera sans doute des déclarations communes de grands partis de l’opposition : UDPS, MlC, UNC et G7 qui ont rejeté les chiffres de la CENI.

L’on peut aussi mentionner le chiffre élevé des électeurs sans empreinte digitale à hauteur de 16,6% sur l’ensemble de la RDC. Ce qui est énorme.

À mettre aussi dans ce lot, le faible niveau de contentieux sur les listes journalières. Ce qui est dû au déficit d’information des électeurs et la faible centralisation des données des électeurs. Il y a eu aussi la faible ou la quasi absence des témoins des partis politiques et des observateurs lors des opérations d’enrôlement.

Le taux élevé d’enrôlement des mineurs et des doublons dans certaines provinces notamment au Sankuru et à Tshuapa. Le manque des sanctions et de recyclage des agents coupables sont aussi des manquements graves de la part de la CENI. Ce qui est décrédibilise le fichier électoral actuel.

Les pertes des données au Nord Ubangui sont aussi à mettre à l’actif des faiblesses du fichier électoral. Elles ont été engendrées par l’organisation d’une zone pilote en amont des opérations d’enrôlement.

Tous ces points forts et faibles illustrent tant bien que le mal le défi auquel la CENI est appelé à élaguer pour une bonne tenue des élections. Il ne suffit pas seulement d’organiser les élections, elles doivent être crédibles. Pour cela, il faut une adhésion générale.

La CENI doit prendre des dispositions pour permettre un audit du fichier tel que souhaité par l’opposition et la société civile. Question de se crédibiliser davantage aux yeux de l’opinion nationale et internationale.

 

Thierry Bishop Mfundu

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