Droits humains en RDC : focus sur le Conseil des droits de l’homme des Nations unies

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La République démocratique du Congo a été élue, lundi 16 octobre à New York, membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies avec 151 voix sur 193 votants.

Le pays intègre donc cette organisation pour les trois prochaines années à dater du mois de janvier 2018 et occupera l’un des sièges réservés au groupe africain.

 

Cette élection a suscité le tollé général tant dans l’opinion nationale qu’internationale. Un grand étonnement car le régime en place en RDC ne cesse de faire l’objet des rapports nationaux et internationaux décriant la répression et le non-respect des droits humains.

 

L’élection de la RD Congo au Conseil des droits de l’homme des Nations unies est donc, selon plusieurs activistes un paradoxe.

L’élection de la RDC aurait-elle, alors, été une erreur ? Y aurait-il contraste entre les objectifs de ce Conseil et la RDC son nouveau membre ?

 

Pour répondre à ces questions, capsud.net a joint Paul Nsapu Activiste des droits de l’Homme et Secrétaire général pour l’Afrique de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, FIDH.

 

Capsud.net : Que pouvons-nous savoir du CNDH ?

P.N. : C’est un organe subsidiaire de l’Assemblée Générale, créé en 2006, composé de 47 membres élus pour un mandat de 3 ans renouvelable une fois (après deux mandats consécutifs, un état doit faire une pause d’un an avant de pouvoir se présenter de nouveau).

 

Il se réunit 3 fois par an (mars, juin et septembre) pour ses sessions ordinaires qui durent 3 semaines

Son mandat est :

  1. d’examiner les violations des droits de l’homme, notamment lorsqu’elles sont flagrantes et systématiques et d’émettre des recommandations
  2. d’intervenir promptement en cas d’urgence en matière de droits de l’homme (volet préventif de son mandat)

 

Capsud.net : Comment fonctionne-t-il ?

P.N. : Concrètement, pendant une session, le Conseil tient des débats sur des questions thématiques et des situations pays qui sont à l’agenda (souvent avec la participation du CNDH, des procédures spéciales pertinentes), et adopte des résolutions (soit par consensus, soit par vote à la majorité simple – il faut qu’il y ait plus de votes pour que de votes contre soient de mise).

Les situations pays à l’agenda du Conseil sont principalement sous point 4 de l’ordre du jour (situations les plus graves) ou sous point 10 (assistance technique et renforcement des capacités, souvent lorsque le pays coopère, du moins en apparence).

Les résolutions pays prennent note de la situation dans le pays, formulent des recommandations, et peuvent également décider de créer différents types de mandats (Commission d’enquête internationale, mission d’établissement des faits, rapporteur spécial, expert indépendant) pour enquêter, collecter les faits, établir les responsabilités, formuler des recommandations…

 

Capsud.net : Quelle lecture faites-vous sur l’élection de la RDC au CNDH ?

P.N. : Le choix de mettre un pays à l’agenda du Conseil devrait en principe être objectivement basé sur la situation des droits de l’homme dans ce pays. Mais concrètement aucun état ne poussera pour une résolution sur la situation des droits de l’homme dans un pays s’il n’est pas sûr d’avoir les votes.

La RDC est sous point 10, la résolution demande annuellement au bureau du CNDH de présenter un rapport au Conseil, et est traditionnellement adoptée par consensus. Voici par exemple ce qui c’était passé à dernière session du Conseil en septembre dernier (HCR36) et qui portait sur la négociation et l’adoption de la résolution sur la RDC à Genève :

La résolution annuelle a été adoptée qui ne dit pas grand-chose et demande au Haut-Commissaire de présenter un rapport annuel en septembre prochain et prévoit la tenue de dialogues interactifs en mars et juin. Il y a eu deux textes concurrents jusqu’à tard dans les négociations. L’Union Européenne a pris peur du fait que la RDC ne partageait pas leur projet de résolution, était fermée aux suggestions de modification et n’avait pas déposé le texte dans les temps et de manière transparente.

L’Union Européenne avait donc déposé son propre texte avant de le retirer plus tard quand certains de ses commentaires avaient été intégrés dans le texte du groupe africain.

Les Etats-Unis étaient très mécontents du processus et du ton congratulatoire de la résolution, qui ne reflète pas la réalité de la situation. Un texte considéré par les Etats Unis d’Amérique et les défenseurs des droits de l’Homme comme un affront à la mémoire de milliers des victimes congolaises celle de Michael Sharp et Zaidan Catalan.

Les USA appelèrent au vote et votèrent contre alors que tous les autres membres avaient soutenu ce texte, sauf la Corée du Sud qui s’était abstenue. C’était une première, car habituellement c’est par consensus que le texte est adopté.

 

Capsud.net : Une telle situation a-t-elle déjà été vécue dans un autre contexte ?

P.N. : En 2009, il y avait aussi une exception où 2 textes concurrents de l’Union Européenne et du groupe africain, le groupe africain avait poussé pour que son texte passe en premier à l’adoption, un amendement de l’Union Européenne sur le texte africain avait été rejeté par vote, et du coup l’Union Européenne avait appelé au vote sur le texte du groupe africain et s’était abstenue. Le texte avait finalement été adopté et l’UE avait retiré son texte.  Ces deux exemples relatifs au processus d’adoption de résolutions du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, démontrent à suffisance que les manœuvres dilatoires dans les processus de négociation et d’adoption des résolutions du Conseil des Droits de l’Homme empêchent souvent d’aborder et d’examiner objectivement et sérieusement les situations les plus graves dans certains pays. Pour nous défenseurs des droits de l’Homme, il existe heureusement d’autres clés à utiliser pour continuer à faire prévaloir ces situations préoccupantes.

 

Propos recueillis par Berckmans Kitumu

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