Le gouvernement congolais a interdit à la société minière Sicomines, majoritairement chinoise, d’exporter encore du cuivre et du cobalt non transformés, a révélé cette semaine l’agence financière Bloomberg. Cette société a exporté en 2016 le quart du concentré de cuivre sorti de la République démocratique du Congo.
La Sicomines a été constituée à la suite du « contrat du siècle », signé en septembre 2007, comme l’avait révélé La Libre Belgique (7/12/2007). Ce contrat entre l’État congolais et un groupement d’entreprises publiques chinoises prévoyait le financement d’infrastructures au Congo par la partie chinoise « en contrepartie de l’exploitation des ressources naturelles » congolaises, et cela pour « trente ans ».
Cela se fait par la création d’une société mixte, la Sicomines, possédée à 68% par les sociétés chinoises Sinohydro et China Railway Construction, et à 32% par les congolaises Gécamines et Société nationale d’électricité. Le contrat, qui portait d’abord sur 9 milliards de dollars, a été ramené à 6 milliards de dollars sur pressions internationales. La production de la Sicomines doit servir à rembourser les infrastructures construites par des sociétés chinoises au Congo (routes, hôpitaux, etc…).
Trop peu de produits transformés
La Sicomines a commencé à produire en novembre 2015. En un an, elle avait produit 44 000 tonnes de cathodes de cuivre au lieu des 200 000 T prévues par la convention, a indiqué le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, et pas de cobalt, au lieu du tonnage convenu.
Kinshasa veut que les produits exportés par la Sicomines aient la plus grande valeur possible, afin d’accélérer le remboursement des fameux 6 milliards de dollars. Les autorités congolaises ont donc bloqué 68 camions de Sicomines sur les 112 qui transportaient des métaux vers la Zambie, selon le journal en ligne politico.cd.
Et Kinshasa de souligner que Glencore, à Mutanda, et China Molybdenum, à Tenke Fungurume, exportent, elles, du cobalt transformé, ce que la Sicomines ne fait que depuis juin dernier et en petites quantités.
Pas assez d’électricité
La partie chinoise reconnaît n’avoir pas respecté ses obligations mais c’est dû au manque d’électricité disponible en RDC, fait-elle valoir. Il lui faudrait 170 MW de plus. En 2013 déjà, le gouvernement congolais avait interdit l’exportation de cuivre et de cobalt non transformés mais n’avait pas appliqué son interdiction, en raison du déficit chronique en électricité dans le pays.
Selon une source minière au Katanga, interrogée par La Libre Afrique, « les gisements de la Sicomines ne contiennent pas beaucoup de cobalt. En moyenne, au Katanga, il y a une tonne de cobalt pour dix tonnes de cuivre. Mais il y a quelques gisements, notamment ceux de Sicomines, qui contiennent environ dix fois moins de cobalt. Le leur reprocher, c’est ignorer la géologie ».
Une centrale électrique
Le directeur adjoint de la Sicomines, Jean Nzeng, a assuré que la société était « en contact avec le ministère » des Mines, « pour débloquer la situation », assurant qu’il n’y avait « pas de problème majeur ».
« Les Chinois ont bien compris les contraintes de leur gisement », commente la source minière interrogée par La Libre Afrique. Ils investissent dans une centrale électrique à Busanga, mais ça leur prendra encore trois ou quatre ans ». L’investissement prévu par la Sicomines est de 660 millions de dollars et elle en espère 240 MW supplémentaires.
Et la source minière d’ajouter : « Ils vont devoir probablement payer plus au gouvernement. En fait, on révise leur contrat, à eux aussi. De mon point de vue, c’est bien que les Chinois soient, eux aussi, victimes d’extorsions de ce type parce qu’ils vont comprendre le point de vue des Occidentaux : ça détériore le climat des affaires. Il faut un minimum de règles et de stabilité pour pouvoir travailler ».
Marie-France Cros
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https://afrique.lalibre.be/9696/rdc-conflit-entre-kinshasa-et-des-investisseurs-chinois/