Freddy Matungulu: « L’initiative des laïcs est d’une très haute portée civique »

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Le Professeur Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir a accordé, ce mercredi 21 février, une interview exclusive à capsud.net. Le Président du parti politique Congo Na Biso (CNB) se prononce sans tabou sur les questions de l’heure. De la participation de sa formation politique au débat politique à la situation socio-économique, en passant par les marches du Comité Laïc de Coordination, l’an 1 de la mort d’Étienne Tshisekedi et le processus électoral, ce tout premier ministre de l’économie, des finances et du budget de Joseph Kabila (d’avril 2001 à février 2003), devenu entre-temps son opposant, brosse l’actualité.

 

Capsud.net : M. Matungulu, votre parti politique ainsi que vous-même ne participez plus au débat sur les questions d’actualité politique. Pourtant, elles sont très cruciales. Pourquoi ?

 

Freddy Matungulu : Nous restons très présents sur la scène politique nationale et continuons à y participer activement au débat sur les grandes questions de l’heure. Nous refusons toutefois de faire trop de bruit sans anticipation de grands résultats. Nous récusons l’excès de parole comme mode d’existence politique. La parole doit être l’expression d’une stratégie axée sur la recherche du résultat, pas une fin en soi. Pour ceux qui peuvent et veulent aller loin, comme nous, la parole est sacrée, et le respect de la parole donnée une grosse obligation. Il construit la crédibilité. Nous y tenons beaucoup et refusons par conséquent de dire n’importe quoi, n’importe comment et, encore moins, n’importe quand !

 

Capsud.net : Le CLC a organisé deux marches. On a vu d’autres leaders politiques et leurs partis. Votre parti ne s’est-il pas senti concerné ?

 

Freddy Matungulu : J’étais absent du pays et n’ai pu participer personnellement à ces deux marches que nous avions, bien évidemment, soutenues dans des déclarations fortes. En mon absence, les membres du parti y ont répondu présents, en grand nombre, en tant que chrétiens catholiques engagés. Notre participation a été non politicienne, sans signes distinctifs du parti. Car nous ne sommes pas des pharisiens, et nous ne souhaitons pas politiser cette grande initiative du CLC, comme le recommandent les évêques eux-mêmes. Nous n’utiliserons pas les marches du CLC pour faire flotter le drapeau du CNB, notre parti. Ce serait de l’opportunisme politique, de la politique spectacle de pire espèce. Le genre qui tue notre pays et l’empêche d’aller de l’avant.

 

Capsud.net : Pensez-vous que les initiatives des laïcs catholiques aboutiront à l’application effective et intégrale de l’accord de la Saint-Sylvestre, une année après sa signature ?

 

Freddy Matungulu : L’initiative des laïcs est d’une très haute portée civique. A mon avis, sa mission est complexe, tentaculaire. Cette entreprise a fait renaitre et sous-tend la volonté du peuple congolais de lutter pour le retour de la gouvernance de progrès dans notre pays. En tant que telle, l’initiative ne peut être limitée dans le temps et ne devrait s’arrêter que quand la conscience et la responsabilité retrouveront leur place dans la conduite des affaires de l’Etat. Cela passe aujourd’hui par une mise en œuvre de l’Accord de la Saint-Sylvestre qui permette la tenue d’élections justes, transparentes, et inclusives. Des scrutins qui amènent l’alternance politique plus que jamais urgente au regard de la désastreuse gestion du pays par la kabilie. Contribuer au succès de l’initiative est désormais plus qu’une mission pour nous, congolais. C’est une obligation patriotique. Plus nombreux nous serons à la soutenir, plus de chance elle aura de se déployer avec succès. J’invite dès lors nos compatriotes à y adhérer massivement. Dans une importante mesure, notre avenir en dépend.

 

Capsud.net : Est-il possible d’aller aux élections sans la décrispation du climat politique, l’une des revendications du CLC ?

 

Freddy Matungulu : Si elles sont bien organisées, les élections de décembre mettront en scène des dirigeants, anciens ou nouveaux, librement choisis par la population. Elles aideront ainsi à clarifier les perspectives politiques du pays, permettant la relance de l’économie et l’ouverture de nouvelles opportunités d’emplois et de revenus pour nos populations. En clair, pour la RDC le défi sera après les scrutins de maximiser les dividendes socioéconomiques de l’alternance politique. Un exercice dont le succès sera largement fonction de la crédibilité des résultats annoncés. Les enjeux sont donc de taille pour le pays.  Pour y arriver, la crispation politique aigue du moment ne peut être de mise avant et pendant les élections. Il est donc crucial que la décrispation politique devienne réalité, faute de quoi les élections seront de qualité douteuse, et l’après-élection risque d’être un temps plus difficile, catastrophique même, en raison du désespoir généralisé lié à un tel développement. Voilà pourquoi un accent particulier doit être mis sur la nécessite d’avoir des élections apaisées et inclusives. La nation doit tout faire pour y arriver. Avec l’appui engagé de nos populations, le devoir de l’opposition est de pousser le gouvernement dans cette direction.

 

Capsud.net : Il y a une semaine, l’on a célébré l’an 1 du décès d’E. Tshisekedi. Une année sans sépulture. Ça vous fait quoi ?

 

Freddy Matungulu : Le souhait de Congo Na Biso est de voir feu le Président Etienne Tshisekedi être porté à sa dernière demeure au plus tôt et avec honneurs et grande dignité, comme il le mérite bien évidemment. Au delà d’être notre plus grand leader politique national des trois dernières décennies, le Président Tshisekedi était un beau-père pour moi qui suis marié à la fille aînée d’un de ses compagnons de lutte de l’UDPS, feu papa Vincent Mbwankiem Nyaroliem. En famille, nous vivons très mal le maintien prolongé de son corps dans les conditions actuelles. Mon vœu est de voir cette situation trouver une résolution rapide en cette nouvelle année 2018. Je profite de l’occasion pour redire mes encouragements et ma sympathie à Mama Marthe et à toute la famille biologique éplorée de l’illustre disparu. Nous sommes avec eux tous.

 

Capsud.net : D’aucuns estiment que le pouvoir en place n’a pas la volonté d’organiser les élections et qu’il cherche des prétextes pour éloigner davantage la perspective d’avoir des élections cette année. C’est aussi votre avis ?

 

Freddy Matungulu : Les élections devraient être organisées en 2016, puis en 2017. Elles ne l’ont pas été. C’est cela la raison du scepticisme ambiant, du manque de confiance de la population au processus électoral dont les grands animateurs restent les mêmes principaux acteurs de l’absence de progrès dans ce domaine depuis deux ans. Les populations vivent dans leur chair les conséquences socioéconomiques dramatiques de cette situation. Je partage totalement leur pessimisme. Il appartient à Joseph Kabila et à ses équipes de nous prouver le contraire. C’est ce que nous attendons, et c’est pour cette raison que nous, à Congo Na Biso, continuons de travailler pour nous rapprocher davantage de l’électorat. Quoi qu’il en soit, ce que peuple veut, Dieu veut. Je suis convaincu que nous finirons bien par avoir de bonnes élections dans ce pays, avec ou sans Kabila. Qu’on se le tienne pour dit !

 

Capsud.net : En même temps, on évoque la précarité de la situation sociale et économique. Que faut-il faire ?

 

Freddy Matungulu : J’ai déjà perdu tout espoir de voir la kabilie s’attaquer de front à la corruption qui gangrène les institutions du pays et empêche la mise en œuvre sérieuse de reformes susceptibles de rencontrer tant soit peu les préoccupations de la population. Dans beaucoup de pays, les périodes pré-électorales sont rarement des moments de grande retenue budgétaire. Il en sera certainement de même ici en RDC. Je m’attends donc à la poursuite du pourrissement de la situation socio-économique dans notre pays pendant les prochains mois. Dans ces conditions, les élections doivent avoir lieu le plus rapidement possible pour qu’enfin puisse s’ouvrir le temps du travail et de la remise du pays sur la voie du progrès. Une telle perspective ne semble plus possible avec les leaders politiques actuels.

 

Capsud.net : Faut-il régler les problèmes socio-économiques ou organiser les élections en priorité ?

 

Freddy Matungulu : Les deux actions ne sont pas mutuellement exclusives, au contraire. En effet, les élections, spécialement quand elles sont bien conduites, clarifient l’horizon politique et rendent le pays plus attrayant aux yeux des investisseurs. Ouvrant ainsi de nouvelles opportunités économiques pour les citoyens, elles devraient potentiellement avoir sur les conditions sociales un impact à moyen et long terme plutôt favorable et significatif.

Par ailleurs, les dépenses électorales agissent aussi positivement sur le social si le matériel électoral acquis est produit par les entreprises locales qui voient leurs activités se renforcer. Ce qui est bénéfique pour leur personnel et peut avoir des effets secondaires plus au moins importants sur l’ensemble de l’économie.  Le vote ne peut donc pas être sacrifié au prétexte d’allouer le budget électoral aux actions de lutte contre la pauvreté. Agir ainsi serait mal appréhender la problématique. D’autant plus qu’à court terme, les contraintes financières liées à l’effort électoral peuvent être levées grâce à l’appui annoncé des partenaires extérieurs.  D’un autre coté, peut-on vraiment régler les graves problèmes socioéconomiques de la RDC rien qu’avec les ressources actuellement allouées aux élections ? Bien sûr que non ! De toute façon, très peu de cet argent irait aux bénéficiaires ultimes dans le contexte de gouvernance galvaudée qui est le nôtre. Les deux dernières années de reports des scrutins sont très éloquentes à ce sujet.

 

Capsud.net : Si la CENI tenait, malgré tout, promesse d’organiser les élections cette année, votre parti serait-il prêt ? Aurez-vous des candidats à tous les niveaux ?

 

Freddy Matungulu : Notre parti est en effet prêt. Et, dans le cadre de notre nouvelle plateforme électorale dont les contours seront bientôt être rendus publics, nous entendons avoir des candidats à tous les niveaux.

 

Capsud.net : Qui sera votre candidat à la présidentielle ?

 

Freddy Matungulu : Je suis favorable à la mise en place d’une candidature unique de l’opposition. Le moment venu, je m’emploierai modestement à convaincre mes pairs du bien fondé de ma désignation en tant que tel. Avec leur accord, ce serait une responsabilité historique dont me déchargerais avec honneur, abnégation, et patriotisme.

 

Propos recueillis par JPD Libaku

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