4 janvier 1959 – 4 janvier 2018 : 59 ans déjà !

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Il y a tout juste 59 ans depuis que des Congolais, alors sous le joug colonial, tombaient face à la barbarie du pouvoir colonial belge. En effet, après plusieurs décennies de colonisation avec ses corollaires en termes de violation des droits humains, cette répression aura été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le déclic du processus d’émancipation du Congo.

 

Au départ, il était question que l’ABAKO (Alliance des Bakongo) sous la direction de son président  Joseph Kasa-Vubu tienne un meeting le dimanche 4 janvier 1959 à l’YMCA, dans le quartier Renkin, actuellement Matonge. Une lettre a été, à cet effet, adressée le 30 décembre 1958, c’est-à-dire cinq jours plus tôt, à Jean Tordeur, Premier bourgmestre de Léopoldville, lui annonçant justement la tenue de ce meeting le dimanche 4 janvier. Mais, on rapporte que cette correspondance ne lui parvint que le 3 janvier. Raison évoquée : les trois jours qui séparent la date de l’envoi de la lettre à sa réception par le destinataire étaient consacrés aux festivités de fin d’année et de nouvel an. Les historiens et les témoins de cet épisode de l’histoire politique de la RDC affirment que Jean Tordeur répondra le jour  même de la réception de la lettre en ces termes : « Cette lettre ne sollicitant pas d’autorisation, je suppose que vous considérez la réunion comme privée. Si elle devait avoir un autre caractère, la responsabilité des organisateurs serait engagée. Toutes les associations ont suffisamment été mises au courant des règles en matière de réunions publiques pour qu’une erreur ne soit plus possible ». Or, le nombre de militants ayant répondu à l’appel le jour-j était tellement important qu’il contrastait en même temps avec le caractère privé que devrait avoir ladite réunion ainsi que souligné par M. Tordeur. Pour cette raison et du fait de la volonté manifeste de la métropole de restreindre constamment les libertés des colonisés, la rencontre a dû être annulée. Plutôt, reportée au dimanche 18 janvier. L’annonce du report a été faite au lieu du meeting par Kasa-Vubu lui-même.

 

Les militants, désappointés, ont quand même tempéré leur grande déception en acceptant de revenir deux semaines après. A quelques encablures de là, se produisait un important événement sportif. Le derby V. Club – Mikado. Le match s’est soldé par le score de 1 but à zéro, au grand dam de V. Club. Abattus, les supporters de la grande équipe de Léopoldville, regagnant leurs maisons, retrouvèrent sur leur chemin, devant l’YMCA et dans les parages, des militants de l’ABAKO déçus par la non tenue de leur meeting. Entre-temps, on pouvait observer dans les abords du siège de l’YMCA une importante présence policière dont la mission était de disperser la foule. Les éléments de la police se sont donc heurtés  aux milliers de partisans de Kasa-Vubu, surexcités, rentrant chez eux, sans empressement du reste.

 

Les policiers, quelquefois pris à partie, ont cru bien faire de menacer les militants mêlés aux supporters de V. Club en brandissant leurs armes, jusqu’à ce que l’un d’eux s’est permis de tirer en l’air. Ce qui a précipité les choses. Les militants de l’ABAKO, rejoints par 20.000 supporters de V. Club se sont ainsi  révoltés. De là, la révolte s’est répandue à travers toute la ville et a dégénéré en  émeutes violentes. Dès lors, les manifestants ont mis en avant leurs aspirations indépendantistes. Ces émeutes ont été brutalement et sans pitié  réprimées par l’autorité coloniale. Bilan de la répression : au moins 49 morts parmi les civils congolais.

 

A cette époque, le vent de l’indépendance avait soufflé sur tout le continent africain. En 1956, comme le note Doudou Bossassi dans son livre Fin de la crise de légitimité ou partage du ‘’gâteau’’ ?, « trois pays furent indépendants : le Soudan, le Maroc et la Tunisie. Le 6 mars 1957, le Ghana accéda à sa souveraineté. Le 10 décembre 1958, ce sera le tour de la Guinée. D’autres pays s’apprêtaient à acquérir aussi leur indépendance. Aucun pays ne pouvait y échapper.

 

Au Congo Belge, l’élément déclencheur du processus de libération du joug colonial fut (justement) l’émeute du 4 janvier 1959. C’est à la suite de ce soulèvement populaire que la Belgique a finalement adhéré au principe de l’indépendance le 13 janvier ». Les nombreuses victimes de la répression qui s’en est suivie sont considérées, à juste titre, comme des martyrs de l’indépendance.  59 ans après, l’on peut se poser la question de savoir ce qu’on a fait de cette indépendance acquise au prix du sang versé par ces martyrs ?

 

Dans son discours prononcé à l’occasion de la cérémonie d’indépendance, le 30 juin 1960, Patrice-Emery Lumumba s’adressait à ses compatriotes en ces mots : « Ensemble, mes frères, nous allons commencer une nouvelle lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique toute entière. Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles. Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens jouissent pleinement des libertés fondamentales prévues dans la déclaration des Droits de l’Homme ». Fin de citation.

 

59 ans après les émeutes du 4 janvier, le pays est loin d’atteindre ces objectifs. Pas de justice sociale, pas de juste rémunération, pas de prospérité. Rien de tout ce que les pères de l’indépendance avaient souhaité pour ce pays. Au contraire, on peut observer la très grande précarité socio-économique, la succession des pouvoirs autocratiques, la confiscation du pouvoir et de la démocratie par une poignée d’individus, l’oppression de la pensée libre et la restriction des libertés publiques. La dernière répression sanglante des marches des catholiques le 31 décembre, allant jusqu’à la profanation des lieux de culte, en dit long. On peut aussi constater que des lois sont taillées à la mesure des dirigeants et que la justice et les forces de sécurité sont au service du plus fort. Visiblement, le Congo ne fait que tourner en rond. Il a même régressé à bien des égards. De quoi faire retourner nos vaillants martyrs dans leurs tombes.

 

JPD Libaku

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